Chapitre V.
Du désir initial : les motivations de l'enseignant pour l’enseignement

L’accession au monde du travail est une démarche capitale, sinon une étape essentielle, dans l’accomplissement de tout individu, quelle que soit la profession choisie. Par cela, chacun peut se signifier à lui, comme aux yeux des autres, comme sujet autonome, ayant une place entière dans la société. Il lui est ainsi possible de devenir un véritable acteur social .

Bien entendu, la nature de l’emploi a une importance considérable. Mais la perception du pouvoir acquis dépend aussi de la valeur que la collectivité confère à cet emploi, du niveau assigné à la personne dans la hiérarchie spécifique à son métier, de sa rémunération, de ses possibilités d’avancement ou de promotion. En somme, la certitude du pouvoir acquis s’accompagne d’une reconnaissance extérieure de ses capacités et de ses droits comme de ses devoirs, quels que soient la profession et le poste occupé, en somme quelle que soit la position sociale. Ainsi, chacun se reconnaît en ses charges, en ses pouvoirs, il s’identifie singulièrement à son métier et, à travers lui, apparaît un adulte. C’est pourquoi l’entrée dans un métier devrait être, pour chacun et pour tous, une espérance.

Les métiers de l’éducation et de l’enseignement ont, eux, une finalité particulière, qui est de conduire les apprenants dans leur construction personnelle. Le maître va se proposer aux élèves, consciemment ou pas, volontairement ou non, par le savoir et par les valeurs qu’il promeut, comme figure de médiation, voire d’identification. Il sera, plus qu’aucun autre professionnel, interpellé dans sa propre dynamique. Effectuer un travail revient à exercer une activité en un lieu défini, dans un cadre plus ou moins fortement structuré. Faire de ce travail un métier, c’est, en échange d’une certaine rémunération et peut-être aussi d’autres gratifications réelles ou symboliques, effectuer des tâches délimitées selon un rôle assigné dans un milieu physique et social. Exercer un travail, c’est s’inscrire dans un environnement professionnel, avec des projets quant à son propre avenir. Mais, au delà, faire de ce travail son métier, c’est devenir un véritable professionnel.

Alors, quel est le profil professionnel de l’enseignant ?

L’obligation de résultat qui incombe à l’école a comme corollaire la nécessité de développer de façon très fine et opérationnelle des pratiques d’évaluation, elles-mêmes traduites en propositions de régulation des pratiques et d’orientation des élèves. Mais aussi, l’école ne peut ignorer sa nécessaire modernisation, qui touche à la fois aux méthodes, aux techniques et à l’utilisation des ressources (humaines, documentaires, technologiques...).

Enfin l’école, n’ayant plus le monopole de l’instruction ni de l’éducation, devra aussi intégrer dans ses démarches l’instruction et l’éducation résultant d’activités non scolaires.

Le principe d’acceptation et d’accueil appelle des compétences particulières en matière de compréhension des élèves, d’analyse de motivation et d’adaptation des démarches à la situation. Le profil de l’enseignant dans ce domaine est non seulement celui du spécialiste de la discipline mais également celui du communicateur. Sa qualification doit être aujourd’hui nécessairement beaucoup plus large. Elle permet d’aborder de façon plus instrumentée les situations complexes au développement de l’éducation, en fonction de la demande sociale et des attentes des élèves et des parents. La flexibilité des formations et l’enrichissement des systèmes de valeurs impliquent que, au-delà d’une excellente connaissance des disciplines, un enseignant ait une culture générale, c’est-à-dire qu’il possède au moins des éléments de culture classique, technique et méthodologique. C’est la condition à laquelle il pourra jouer pleinement son rôle de communicateur.

La modernisation fait de l’enseignant un méthodologue capable de choisir dans l’ensemble des ressources et des techniques celles qui sont le mieux adaptées aux situations sur lesquelles il doit travailler. Il doit savoir tirer le maximum de ressources éducatives des informations souvent fragmentaires et peu cohérentes issues de la pratique des médias et des diverses activités des enfants. Mais aussi, il lui faut encore mieux connaître les différentes ressources éducatives de la cité et de l’environnement.

Quoi qu’il en soit des fondements de son engagement initial, toute personne qui enseigne aujourd’hui, doit vivre au quotidien cette réalité.

Etudions quels types de relations peuvent exister entre la motivation et la poursuite de la carrière.

Les motivations de départ peuvent-elles influencer le déroulement ultérieur de la carrière ?

Peut-il exister une relation entre le type de motivation de départ et le degré d'activisme ou de fatalisme des enseignants plus tard ?

Le type de motivation de départ anticipe-t-il la présence, ou non, d'une “crise” à un moment de la carrière ?

Nous essaierons ici d’apporter quelques réponses à ces questions. Simplement, notre intérêt sera uniquement des mises en relation par le truchement de tableaux croisés. Autrement dit, nous ne pouvons pas prétendre aux relations de cause à effet.