2- Le besoin d’affection.

Le besoin d'affection exprimé par les enseignants peut constituer un symptôme de désajustement progressif de l'institution scolaire par rapport à l'évolution des mentalités.

Cette motivation est primordiale pour près de la moitié (48 %). Bien qu'elle soit à un niveau sensiblement plus élevé que les autres, elle ne permet pas réellement de les caractériser.

En effet, la proportion de personnes, chez qui le besoin d'affection est intense, est tout à fait comparable dans la population française et dans notre échantillon.

Il ne s'agit donc pas, à l'inverse de la motivation d'épanouissement, d'une dimension discriminante.

Toutefois, au regard de la théorie de Maslow, on peut s'interroger sur l'importance que la motivation d'affection et de chaleur humaine conserve chez eux. Elle traduit une forte sensibilité au social, une attention vigilante aux risques d'écrasement des individus et d'accentuation des inégalités.

Mais il faut également interpréter ce besoin d'affection comme ressenti par les enseignants pour eux-mêmes, traduisant des attentes de confort au quotidien, d'appartenance à des environnements humains plus chaleureux, de sécurité affective.

Les femmes, dans cette population spécifique, comme c'est le cas dans la population française, sont davantage motivées par la recherche de chaleur humaine que les hommes (respectivement 54 % et 40 %).

Le besoin de chaleur humaine : une motivation plus prégnante au-delà de 35 ans, mais aussi caractéristique des plus jeunes.

Comme dans l'ensemble de la population française, la classe d'âge la plus élevée est la plus concernée par la motivation d'affection (62 %), qui est également très prégnante chez ceux de 35 à 49 ans (47 %).

En revanche, ils se distinguent de la population française dans la mesure où les plus jeunes sont motivés en premier lieu par la recherche d'affection (59 %), alors que les Français du même âge ne sont que 34 % à éprouver cette propension.

Après avoir intégré des enseignants très en pointe sur la dynamique d'évolution des mentalités des années soixante-dix (particulièrement expressifs, peu affectifs), l'Education Nationale tend aujourd'hui à recruter des jeunes en léger décalage par rapport aux évolutions de leur propre classe d'âge.

Ceux de 29-34 ans constituent, par rapport à la population française, une sous-population très avancée sur les dimensions d'expression, d'épanouissement (56 % contre 36 %).

Leurs cadets conservent une coloration expressive (51 %) plus accentuée que celle de l'ensemble des Français d'âge identique (38 %). Ils ont toutefois sensiblement estompé leur avance.

En revanche, ceux de 29-34 ans sont en retrait des Français de même génération en ce qui concerne le besoin d'affection (37 % contre 44 %), alors que ceux de 21-28 ans sont beaucoup plus sensibles à cette aspiration (59 %) ou que l'ensemble des Français du même âge (34 %).

Les recrutements les plus récents au sein de l'Education Nationale semblent privilégier des personnes en quête de sécurité affective, et assez peu sensibles aux aspirations matérielles.

En effet, si l'on compare la hiérarchie des motivations exprimée par ceux de 21-28 ans, avec celle des jeunes Français du même âge, on observe :

La situation socio-professionnelle plus stable des jeunes enseignants atténue fortement leurs préoccupations économiques (34 % et 39 %), et permet aux autres motivations de passer à l'avant-scène. Néanmoins, ils ont une nette propension à accorder leur préférence à un environnement affectif sûr, au sein duquel ils pourront s'épanouir, plutôt qu'aux satisfactions matérielles.

Il semble que l'Education Nationale tende à se désajuster progressivement de la dynamique d'évolution des mentalités, ce qui génère à terme un double problème de recrutement.

En premier lieu, au sein de la population française, la proportion de personnes ayant un profil socio-culturel similaire à celui des enseignants actuels régresse. Le vivier potentiel de recrutement de l'Education Nationale se restreint.

En second lieu, un hiatus semble s'esquisser entre une partie des enseignants (les plus expressifs et les plus toniques) et le système scolaire. Cela peut se manifester à l'avenir par une désaffection (voire un abandon) de leur part à l'égard de leur institution.

Le problème de recrutement posé par la première observation s'en trouverait amplifié.