Chapitre 1 : Reconnaissance du visage et identification de la personne

La question de savoir comment un visage est reconnu est maintenant soulevée depuis de nombreuses années. Dans les années 80, particulièrement, plusieurs auteurs ont tenté de rendre compte des données de l'époque et plusieurs modélisations ont vu le jour (voir, par exemple, Bruce & Young, 1986 ; Bruyer, 1987a, 1990 ; Tiberghien, 1983, 1988 ; Valentine, 1991). Parmi les phénomènes étudiés, plusieurs suggèrent que la mémorisation et la reconnaissance d'un visage opèrent à partir d'une norme ou d'un prototype. Plus exactement, il semble qu'un visage soit appris et reconnu à partir de ses déviations par rapport à un prototype facial. Les phénomènes en question sont les effets de distinctivité et de caricature ainsi que l'effet de race.

Une autre approche a consisté à tenter de déterminer quels sont les traits du visage qui permettent de l'identifier. Ces études cherchaient ainsi à identifier les traits permettant de distinguer les individus. Cette approche a toutefois rapidement atteint ses limites. On s'est rendu compte que, étant donné le nombre limité de traits faciaux et la grande similarité des visages, il n'était pas possible d'expliquer la mémoire des visages par une telle approche, essentiellement componentielle et analytique. On peut reconnaître plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de personnes à partir de leur visage. Or, tous ces visages ont exactement les mêmes traits principaux (deux yeux, une bouche, un nez, etc.). De plus, ces traits ont toujours la même position relative. Par ailleurs, un aspect particulier d'un trait du visage (par exemple, la couleur des cheveux ou des yeux) est partagé par plusieurs individus. Enfin, un visage peut donner lieu à une identification très rapide, en moins d'une seconde, ce qui est difficilement compatible avec une reconnaissance composant par composant. C'est sans doute la raison pour laquelle de nombreux auteurs se sont intéressés aux informations de "second ordre", de type relationnel et configural. Ils ont montré, par différents moyens, que ce type d'information est essentiel pour la reconnaissance du visage.

Finalement, les premières études n'utilisaient que des visages inconnus. Or, depuis les années 80, plusieurs auteurs ont montré que les visages familiers et inconnus ne sont pas traités de la même manière. A partir de là, des propositions ont été avancées pour modéliser l'ensemble des étapes cognitives permettant l'identification "complète" de la personne, comprenant l'accès à des informations sémantiques spécifiques et au nom.