I.1. Reconnaissance du visage et distinctivité

Les visages sont une catégorie de stimuli structurée dans le sens où il existe une similarité de structure entre les différents exemplaires. On peut ainsi distinguer de "bons" et de "mauvais" exemplaires selon que la structure du visage correspond plus ou moins à la structure habituelle ou moyenne de l'ensemble des visages (Rosch, 1973 ; Rosch & Mervis, 1975 ; Rosch, Simpson, & Miller, 1976).

Pour les visages, un effet de distinctivité a été mis à jour : les visages jugés distinctifs ou inhabituels sont mieux reconnus que les visages typiques ou habituels. Ce phénomène a été fréquemment décrit au moyen d'une grande variété d'indicateurs, comme le taux ou la latence des reconnaissances correctes, le taux des fausses alarmes, la discrimininabilité d' et la certitude de la réponse (e. g., Bartlett, Hurry, & Thorley, 1984 ; Brigham, 1990 ; Bruyer & Courvoisier, 1990 ; Going & Read, 1974 ; Light, Kayra-Stuart, & Hollander, 1979 ; Winograd, 1981). L'effet habituel de la distinctivité est cependant inversé lorsque la tâche est de déterminer si le stimulus est un visage ou non (i.e., visage intact ou visage dont les traits sont mélangés). Dans ce cas, les sujets prennent plus de temps pour dire qu'une configuration appartient à la catégorie "visage" si elle est distinctive plutôt que typique (Valentine, 1991 ; Valentine & Bruce, 1986a ; Valentine & Endo, 1992).

Light et al. (1979) ont proposé d'expliquer l'effet de distinctivité en prenant en considération la similarité entre les stimuli. Ils ont suggéré qu'un visage distinctif a une probabilité plus élevée d'activer la trace mnésique qui lui correspond car cette dernière est peu similaire aux traces mnésiques des autres visages. En l'absence de trace mnésique (i.e., pour un visage inconnu), le jugement de reconnaissance se baserait sur une trace "schématique" de la structure de l'ensemble des traces mnésiques de la catégorie (ce qui correspond à un prototype). Une telle hypothèse prédit, dans ce cas, plus de fausses alarmes pour les visages typiques. Valentine et Bruce (1986a, 1986b) ont proposé une autre explication selon laquelle un prototype facial est extrait à partir des visages précédemment rencontrés. Un visage est alors stocké comme un ensemble de transformations requises pour apparier ce visage au prototype. En d'autres termes, un visage est stocké en mémoire comme l'ensemble des variations qu'il présente par rapport au prototype. L'effet de distinctivité résulte alors du fait que plus un visage est distinctif plus il présente de variations au prototype et, par conséquent, plus riches et plus nombreuses seront les informations qui permettent de le distinguer des autres visages en mémoire.