II. Aspects configuraux et componentiels du visage

II.1. Saillance relative des traits faciaux

La méthode générale qui a d'abord été utilisée pour étudier le rôle des différents traits faciaux consistait à les présenter ou à les masquer isolément. Les participants devaient alors réaliser une tâche d'appariement entre ces traits et le visage d'une personne inconnue (e. g., Shepherd, Davies, & H. Ellis, 1981 ; Shepherd & Deregowski, 1981). Dans ces recherches, la couleur et la longueur des cheveux sont les traits les plus importants, suivis par la forme du visage et l'âge. Le nez, lui, n'a qu'une faible importance. Une autre méthode consistait à présenter deux visages identiques ou différant par un trait facial (un trait étant remplacé par le même trait d'un autre visage). La tâche était de décider s'il s'agit de la même personne ou non. En employant cette méthode, Endo (1982) a observé que les participants font plus de fausses alarmes (i.e. ne perçoivent pas le changement de trait) lorsque le nez est changé. Les fausses alarmes sont moins nombreuses quand la bouche et le menton sont changés, les scores les plus faibles étant observés quand les yeux et les cheveux sont changés. Dans le même registre, Roberts et Bruce (1988) ont utilisé des visages célèbres dont les yeux, le nez ou la bouche ont été dissimulés ; ils demandaient à leurs participants un jugement de familiarité. Ils ont alors observé que les yeux jouent le rôle le plus important dans la reconnaissance de la familiarité des visages, devant la bouche, puis le nez.

L'étude de la saillance relative des différents traits faciaux indique donc un rôle prépondérant des cheveux, de la forme du visage et des yeux, mais un rôle moins important de la bouche et du menton, le nez ne semblant avoir aucun rôle particulier. Ces observations sont cohérentes avec les études qui indiquent une meilleure reconnaissance de visages à partir de la moitié supérieure plutôt qu'à partir de la moitié inférieure (Kottor, 1989).

Cependant, ces études sont limitées pour différentes raisons. Tout d'abord, le pattern de performances peut varier selon les visages (Haig, 1986). Ensuite, comme nous l'avons déjà souligné, l'expertise humaine pour reconnaître les visages ne peut s'expliquer par l'analyse componentielle des différents traits faciaux. Plusieurs chercheurs se sont alors orientés vers l'étude du rôle des informations relationnelles de second ordre, appelées aussi informations configurales (e. g., Carey & Diamond, 1977 ; Davidoff, 1986). L'hypothèse défendue est ici que la reconnaissance se fonde sur les relations spatiales entre les différents traits plutôt que sur les traits eux-mêmes.