II.2.1. Renversement et reconnaissance du visage

Le renversement d'un visage rend son traitement plus difficile et plus lent pour les adultes sains (e. g., Davidoff & Landis, 1990 ; Perrett, Mistlin, Chitty, Harries, Newcombe, & De Haan, 1988 ; Valentine, 1991 ; Valentine & Bruce, 1986b ; Yin, 1969 ; pour une revue, Valentine, 1988). Cet effet ne s'observe pas chez les enfants (Carey & Diamond, 1977 ; Carey, Diamond, & Woods, 1980) ou est moins marqué que chez l'adulte (Flin, 1985). Il disparaît aussi souvent après une lésion de l'hémisphère droit (Yin, 1970 ; Sergent & Corballis, 1989) ou quand les visages sont présentés dans le champ visuel gauche (hémisphère droit) d'adultes sains (Leehey, Carey, Diamond, & Cahn, 1978). Par ailleurs, l'effet du renversement s'observe dans des tâches différentes, impliquant le traitement d'informations faciales diverses, comme l'appariement de visages inconnus (Valentine, 1991 ; Valentine & Bruce, 1986b, 1988), la classification en visage normal vs. visage aux traits mélangés (Valentine, 1991), la décision de familiarité (Bruyer, Galvez, & Prairial, 1993 ; Valentine & Bruce, 1988), la décision sémantique (Bruyer et al., 1993) ou la reconnaissance de visages célèbres (Rock, 1974). Par contre, il n'affecterait pas la perception de traits isolés (Endo, 1986). L'utilisation de visages réels semble un pré-requis pour faire émerger cet effet (Cochran, A. Pick, & H. Pick, 1983 ; Valentine & Bruce, 1988) et l'implication de la mémoire semble nécessaire (voir Valentine, 1988 ; Bruyer & al., 1993). Une autre illustration de l'importance des informations configurales est la fameuse illusion de Margaret Thatcher (Thompson, 1980) : elle consiste à renverser les yeux et la bouche à l'intérieur du visage4 en laissant les autres régions faciales dans leur orientation habituelle. La photographie résultante paraît alors grotesque si elle est présentée à l'endroit, mais ne semble pas inhabituelle si elle est renversée (Figure 4).

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Figure 4 : Illustration de l'illusion de Margaret Thatcher (adapté de Thompson, 1980) : retournez l'image.

De nombreux auteurs ont suggéré que le renversement interrompt le traitement normal ou habituel de l'information faciale (e. g., Carey & Diamond, 1977 ; Diamond & Carey, 1986 ; Yin, 1969). La plupart des auteurs suspectent donc que les visages présentés à l'endroit ou à l'envers ne sont pas traités qualitativement de la même façon. L'explication la plus courante est que le renversement perturbe le traitement des relations entre les différents traits faciaux. Cet effet indiquerait alors que les performances pour les visages présentés à l'endroit résultent d'un traitement configural et relationnel, alors que le traitement des visages renversés est de type componentiel. Cette hypothèse a été validée par plusieurs recherches qui indiquent que la modification locale d'un trait est aussi bien détectée sur un visage à l'endroit que renversé. Au contraire, la modification d'une distance entre deux traits, qui saute aux yeux quand le visage est à l'endroit, est mal, voire pas détectée du tout, quand le visage est renversé (e. g., Bartlett & Searcy, 1993 ; Searcy & Bartlett, 1996 ; Leder & Bruce, 1998).

Notes
4.

Celui de Margaret Thatcher dans la démonstration de Thompson (1980).