I.2. Le traitement des expressions faciales émotionnelles

I.2.1. Traitement catégoriel ou dimensionnel ?

Il existe depuis longtemps une controverse pour savoir si les émotions doivent être conceptualisées comme entrant dans un petit nombre de catégories discrètes, une pour chaque expression faciale basique (e. g., Ekman, 1984 ; Izard, 1971, 1977 ; Tomkins, 1962/1963) ou si l'expérience émotionnelle est fondamentalement continue, chaque émotion étant un point dans un espace multidimensionnel défini par des dimensions telles qu'approche-évitement et plaisant-déplaisant (e. g., Russell, 1980, 1997 ; Watson & Tellegen, 1985).

Plusieurs auteurs ont tenté de départager ces deux hypothèses (Etcoff & Magee, 1992 ; Young, Rowland, Calder, & Etcoff, 1997). Par exemple, Etcoff et Magee (1992) ont demandé à leurs participants de catégoriser des expressions faciales qui s'étendaient entre deux pôles correspondant chacun à un état émotionnel. Les pôles émotionnels testés étaient : colère/tristesse, colère/peur, colère/dégoût, joie/tristesse, joie/neutralité, tristesse/neutralité, joie/surprise, et surprise/peur. Pour chaque dimension, ils disposaient de onze expressions, deux intenses correspondants aux pôles et neuf intermédiaires correspondant au passage progressif d'un pôle à l'autre. Ils ont ainsi constitué un continuum. Les visages étaient des visages dessinés à partir de visages réels. Ils ont observé que les pourcentages de réponses de catégorisation des expressions ne diminuent pas de façon linéaire lorsqu'on passe progressivement d'une émotion à une autre, mais présentent une limite nette entre deux catégories émotionnelles. Cette rupture a été observée pour toutes les paires qu'ils ont testées, sauf pour les paires joie/surprise et peur/surprise. De plus, lors d'une tâche de discrimination perceptive ultérieure, ces auteurs ont observé plus d'erreurs intra catégorielles que d'erreurs inter catégorielles (à distance égale). Plus tard, Young et al. (1997) ont répliqué les observations rapportées par Etcoff et Magee (1992) en utilisant des visages expressifs réels issus de la base d'Ekman et Friesen (1975) auxquels ils ont appliqué une transformation progressive de forme (morphing) pour passer progressivement d'une expression à l'autre. Ces données favorisent l'hypothèse catégorielle, mais leurs auteurs admettent eux-mêmes qu'elles ne réfutent pas l'hypothèse dimensionnelle. Selon eux, les informations réparties dans différentes catégories peuvent être combinées à un niveau supérieur pour inférer l'état émotionnel.