I.3. Les régions cérébrales impliquées dans le traitement de l'expression faciale émotionnelle

Comme pour le traitement de l'identité et pour la reconnaissance du visage, l'hémisphère droit s'est révélé plus efficient dans le traitement de l'expression faciale émotionnelle. Cette supériorité a été mise en évidence en utilisant un paradigme de présentation par hémi-champ visuel (e. g., Ley & Bryden, 1979 ; Natale, R. E. Gur, & R. C. Gur, 1983 ; Safer, 1981 ; Strauss & Moscovitch, 1981). D'ailleurs, une atteinte de l'hémisphère droit provoque des perturbations plus importantes de la reconnaissance des expressions faciales qu'une atteinte de l'hémisphère gauche (e. g., Benowitz, Bear, Rosenthal, Mesulam, Zaidel, & Sperry, 1983 ; Borod, 1993 ; Borod, Koff, Lorch, & Nicholas, 1986 ; Bowers et al., 1985 ; Bowers, Blonder, Feinberg, & Heilman, 1991). Enfin, la désactivation hémisphérique n'a d'effet sur l'évaluation de l'intensité des expressions faciales émotionnelles que pour l'hémisphère droit (Ahern, Schomer, Kleefield, Blume, Cosgrove, Weintraub, & Melusam, 1991). Cependant, notons que l'hémisphère gauche n'est pas inactif et implique des processus permettant la reconnaissance des différentes expressions faciales émotionnelles (e. g., Stone, Nisenson, Eliassen, & Gazzaniga, 1996). Comme pour la reconnaissance du visage, l'hémisphère gauche permet de réaliser un certain nombre de tâches de reconnaissance de l'expression faciale émotionnelle, même s'il le fait moins bien que l'hémisphère droit.

Plusieurs structures cérébrales interviennent dans la reconnaissance de l'expression faciale émotionnelle. C'est le cas, notamment, du cortex temporal et, plus exactement, du cortex temporo-pariétal ou temporal latéral. Des lésions à ce niveau peuvent entraîner des déficits de reconnaissance de l'expression faciale émotionnelle (e. g., Bowers & Heilman, 1984 ; Rapsak, Comer, & Rubens, 1993 ; Rapsak, Kaszniak, & Rubens, 1989). Les études chez le singe ont aussi indiqué qu'il existe dans le sulcus temporal supérieur des cellules faciales apparemment spécifiques pour traiter cette information (e. g., Hasselmo et al., 1989). Ces cellules sont d'ailleurs proches de cellules sensibles au mouvement et à l'orientation de l'attention (Perrett, Hietanen, Oram, & Benson, 1992). Finalement, l'imagerie cérébrale a confirmé le rôle du sulcus temporal supérieur chez l'homme (R. C. Gur, Skolnick, & R. E. Gur, 1994 ; Streit, Ioannides, Liu, Wolwer, Dammers, Gross, Gaebel, & Muller-Gartner, 1999). Notons, cependant, que la partie temporale impliquée dans le traitement de l'expression faciale émotionnelle ne semble pas être la même que celle qui est impliquée dans le traitement de l'identité (e. g., Hasselmo et al., 1989 ; Sergent et al., 1994 ; voir Haxby et al., 2000)12.

D'autres structures cérébrales ont été décrites. C'est le cas, notamment, de l'amygdale, du système limbique et de l'insula (voir Haxby et al., 2000). La lésion de l'amygdale provoque ainsi des troubles sévères pour apparier ou reconnaître les expressions émotionnelles du visage (e. g., Young, Hellawell, Van De Wal, & Johnson, 1996). Elle est d'ailleurs activée lors de tâches impliquant le traitement de l'expression faciale émotionnelle (e. g., Breiter, Etcoff, Whalen, Kennedy, Rauch, Buckner, Strauss, Hyman, Rosen, 1996 ; Streit et al., 1999). Elle semble plus particulièrement impliquée dans la perception de la peur (Adolphs, Tranel, H. Damasio, & A. Damasio, 1994, 1995 ; Morris, Frith, Perrett, Rowland, Young, Calder, & Dolan, 1996). L'insula semble, par contre, plutôt impliquée dans la reconnaissance du dégoût (Phillips, Young, Senior, Brammer, Andrew, Calder, Bullmore, Perrett, Rowland, Williams, Gray, & David, 1997).

Notes
12.

Nous critiquerons cependant ce point de vue ultérieurement.