II.1.2. Le rôle des informations tridimensionnelles, configurales et de texture dans la catégorisation du genre

Plusieurs études ont montré que la troisième dimension joue un rôle crucial dans la catégorisation du genre : les performances sont meilleures lorsque le visage est vu de trois-quarts plutôt que de face. Cet angle de vue rend plus évident la proéminence de certains traits, dont le nez et les arcades sourcilières. Bruce et al. (1993) ont étudié le rôle de ce type d'information en présentant des photographies en négatif où le contraste de l'image est inversé (Phillips, 1972). Ils ont observé que cette manipulation affecte fortement la catégorisation du genre. L'inversion du contraste a deux effets sur l'image : 1) elle inverse la pigmentation (des cheveux noirs deviennent blancs et inversement) ; 2) les zones d'ombre et les parties éclairées du visage sont également inversées (Phillips, 1972). Le traitement tridimensionnel des surfaces à partir du pattern d'illumination est donc fortement altéré (voir Bruce et al., 1993).

Comme dans la reconnaissance du visage et de l'expression faciale émotionnelle, les informations relationnelles et configurales jouent un rôle important dans la catégorisation du genre. Cela découle tout d'abord des résultats de Roberts et Bruce (1988) qui, bien que mettant en évidence un effet négatif de la dissimulation du nez, ont aussi observé que le nez présenté isolément ne permet pas une catégorisation du genre différerente du hasard. L'importance du nez ne se manifeste donc qu'en interaction avec les autres parties du visage15. Le rôle de la configuration explique aussi que la catégorisation du genre est dégradée quand le visage est renversé (e. g., Bruce et al., 1993 ; Bruyer et al., 1993 ; Sergent & Corballis, 1989).

Dans leur étude, Bruce et al. (1993) ont demandé à leurs participants de catégoriser le genre de visages scannérisés. Cette manipulation élimine les informations de texture et les informations sur la pilosité faciale (dont les sourcils). Elle gène aussi considérablement la catégorisation du genre, notamment pour les visages féminins. Cette gêne est même plus importante que celle résultant de la dissimulation des yeux ou du nez. La texture et la pilosité faciale sont dont des indicateurs importants du genre.

L'ensemble de ces recherches montre qu'une seule source d'information n'entraîne quasiment jamais une détérioration complète de la performance (hasard). En d'autres termes, il est possible de catégoriser le genre d'un visage sans les yeux, le nez ou le menton, que le visage soit scannérisé, renversé ou que le contraste soit inversé. Comme l'ont proposé Bruce et al. (1993), la catégorisation ne repose donc certainement pas sur la prise en compte d'une seule source d'informations. Cette conclusion est d'ailleurs confirmée par Burton et al. (1993) qui ne parviennent à simuler, avec précision, la catégorisation du genre qu'en prenant en compte des informations d'origine différente, bi et tridimensionnelles.

Notes
15.

Cette conclusion est évidemment triviale : la grosseur du nez ne peut être que relative au visage. Donc, si les hommes se distinguent des femmes par la taille du nez, la catégorisation de leur genre sur la base du nez ne pourra se faire que si l'on dispose du reste du visage pour y déterminer sa place relative.