II.2. Peut-on conclure à une double dissociation du genre et de la reconnaissance ?

De nombreux patients prosopagnosiques parviennent toujours à déterminer le genre d'un visage avec une précision correcte (e. g., Bruyer et al., 1983 ; Mattson, Levin, & Grafman, 2000 ; Tranel et al., 1988 ; Schweich & Bruyer, 1993). Il apparaît donc que la capacité de reconnaissance d'un visage familier puisse être atteinte sans pour autant que la catégorisation du genre le soit. Néanmoins, comme l'ont souligné Brédart et Bruyer (1994), la dissociation inverse a très rarement été rapportée. En fait, un cas, seulement, a été rapporté par Humphreys et al. (1993). Ce patient, G. K., arrive à peu prés normalement à dénommer des visages célèbres et à les distinguer de visages inconnus. Il n'est donc pas prosopagnosique. Par contre, il a des performances inférieures aux participants contrôles dans une tâche de catégorisation du genre. Sa performance est pourtant significativement différente du hasard dans cette dernière tâche22.

La double dissociation entre catégorisation du genre et reconnaissance du visage est donc bien moins nettement établie que celle entre le traitement de l'expression faciale émotionnelle et la reconnaissance. Même si de nombreux cas indiquent que l'atteinte de la reconnaissance ne s'accompagne pas forcement d'une atteinte de la catégorisation du genre, la double dissociation - qui implique l'observation du pattern d'atteinte inverse - ne repose que sur un seul cas. De plus, ce patient n'est pas totalement atteint pour catégoriser le genre, mais il le fait moins bien que des participants contrôles. Par ailleurs, nous rappellerons que, même si la double dissociation était clairement établie, elle prouverait tout au plus que des régions cérébrales distinctes sont impliquées dans les deux processus et que l'intégrité de l'un d'eux n'est pas un pré-requis au bon fonctionnement de l'autre. Par contre, elle n'indiquerait nullement qu'ils n'interagissent pas en l'absence d'atteinte cérébrale.

Notes
22.

La différence entre sa performance et le hasard est la même que la différence entre sa performance et celle des contrôles.