III. Conclusions

Il apparaît donc que l'indépendance entre les différents processus de traitement de l'information faciale, si ardemment défendue dans la littérature actuelle par certains auteurs, n'est pas établie avec certitude. Nous avons insisté sur quelques problèmes méthodologiques et théoriques, corroborés par un certain nombre d'études qui suggèrent d'éventuelles interactions. Nous nous sommes volontairement limités aux interactions entre la reconnaissance du visage et deux types d'informations : l'une n'est pas nécessaire à l'identification - l'expression faciale émotionnelle - alors que l'autre - le genre - est une caractéristique identitaire et peut aider à la reconnaissance de la personne. Nous avons vu que, même s'il paraît établi que la reconnaissance, le traitement de l'expression faciale émotionnelle et la catégorisation du genre sont des processus distincts, pris en charge par des régions cérébrales différentes, des interactions entre ces processus existent très probablement.

Si l'on résume les données qui portent sur la reconnaissance du visage et le traitement de son expression faciale émotionnelle, on s'aperçoit qu'il est possible d'accomplir des tâches sur l'expression faciale ou sur l'identité et la familiarité sans prendre ne compte les variations de l'autre dimension et que des régions distinctes sont impliquées dans le traitement de chacune. Mais, on observe aussi que chaque processus peut, sous certaines conditions, influencer le traitement de l'autre et qu'il n'est pas possible de porter son attention sélectivement sur l'expression faciale émotionnelle sans interférence de l'identité. De plus, les performances pour les deux tâches tendent à corréler chez certains patients, voir chez les sujets sains et l'atteinte d'un processus peut provoquer des troubles de l'autre processus. Finalement, il existe une relative superposition des structures cérébrales impliquées dans les opérations sous-tendant l'extraction des deux types d'informations et l'activité des régions impliquées dans l'identité est renforcée par la présence d'information émotionnelle.

De même, pour les données portant sur les relations entre catégorisation du genre et reconnaissance du visage, on constate que la reconnaissance d'un visage d'homme ne dépend pas de sa masculinité, des caractéristiques faciales différentes peuvent être utilisées pour extraire les deux types d'information et des régions cérébrales distinctes semblent impliquées dans les deux processus. Cependant, on remarque aussi que le genre d'un visage accélère son rejet quand il n'est pas le même que celui d'une personne que l'on recherche et la familiarité d'un visage peut favoriser la catégorisation de son genre. Finalement, l'activité cérébrale lors de la catégorisation du genre est modulée par la familiarité du visage.

A la lecture des arguments que nous venons011de présenter, il nous semble établi que l'hypothèse d'interaction entre les différents processus de traitement de l'information faciale est une hypothèse de travail plausible. Nous l'avons donc adoptée et les recherches qui vont suivre sont destinées à la tester. L'objectif des expériences qui vont être relatées dans la suite de ce travail est donc d'étudier les points communs et les interactions entre ces trois processus. Dans un premier temps, nous déterminerons parmi les différentes caractéristiques du visages (i.e., yeux, nez, bouche, informations configurales et informations de surface) celles qui permettent le mieux de traiter chaque information (Chapitre 4). Dans un deuxième temps, nous déterminerons les canaux de fréquence spatiale du système visuel utilisés pour chaque information (Chapitre 5). Nous verrons au cours de ces deux chapitres qu'il existe des points communs et des recouvrements entre les trois informations. Dans un troisième temps, nous tenterons de déterminer si l'expression faciale émotionnelle et le genre sont de nature à influencer la reconnaissance du visage (Chapitre 6). Dans un quatrième temps, nous nous intéresserons aux effets possibles de la reconnaissance du visage sur le traitement de son expression faciale émotionnelle (Chapitre 7). Finalement, nous présenterons une étude où la capacité à extraire sélectivement l'expression faciale émotionnelle et l'identité a été explorée chez des patients schizophrènes (Chapitre 8). En conclusion, nous proposerons une hypothèse alternative de l'architecture des processus de traitement de (toute) l'information faciale.