I.1.2. Matériel :...

il est constitué des visages de 24 personnes (12 femmes et 12 hommes) âgées de 19 à 31 ans (moyenne : 24 ans). Aucune d'entre elles n'a de signes distinctifs particuliers (lunettes, barbe ou moustaches, cicatrices, etc.). La moitié fait partie du personnel de l'Institut des Sciences cognitives (chercheurs ou étudiants). L'autre moitié est constituée de personnes extérieures à cet Institut et y sont ainsi inconnues. Pour chaque personne, nous disposons de 7 photographies. Sur 2 d'entre elles, l'expression est neutre. Sur les 5 autres, la personne simule une des émotions fondamentales décrites par Ekman et Friesen (1971) ; la joie, la tristesse, la colère, le dégoût et la peur.

Les 24 personnes sélectionnées font partie d'une base constituée de 107 personnes, chacune ayant été photographiée 16 fois. Elles devaient simuler, à deux reprises, 8 expressions (neutre, joie, tristesse, colère, dégoût, peur, surprise, mépris). Pour les aider, il leur était demandé d'imaginer une situation censée induire une émotion (par exemple, pour la peur, "imaginer un gros chien qui court vers soi") et le photographe mimait l'expression en question en indiquant à la personne les mouvements faciaux correspondants. Les photographies des 107 personnes ont ensuite été réparties en 4 groupes. Chaque groupe a été évalué par 11 participants lors d'un pré-test de l'expression faciale émotionnelle : les photographies étaient présentées l'une après l'autre et les sujets devaient, pour chacune d'elles, cliquer à l'aide de la souris d'ordinateur sur une case parmi 7. Sur 5 des cases étaient inscrites le nom d'une émotion (joie, tristesse, colère, peur, dégoût), la sixième et la septième case renvoyant respectivement aux catégories "neutre" et "autre". Le participant devait choisir, pour chaque photographie, la case correspondant, selon lui, à l'émotion de la personne, sans contrainte temporelle et en utilisant la catégorie "autre" en cas de doute. Toutes les photographies ont été standardisées de sorte que les visages ont tous la même hauteur (12,5 cm) et toutes les photographies d'une même personne ont la même luminosité moyenne. Toute information autre que le visage a été supprimée en rendant le fond uniforme et blanc et en éliminant les informations sur le haut du corps.

Les critères de sélection d'une personne pour l'expérience sont les suivants : (i) la personne doit avoir produit les 6 émotions, (ii) avec au moins 36% des sujets contrôles attestant que l'expression renvoie bien à l'émotion voulue et (iii) au plus 27% des sujets contrôles qui ont choisi une autre émotion24. Les pourcentages moyens de l'émotion choisie lors de ce pré-test sont présentés dans le Tableau 1 en distinguant les personnes connues des personnes inconnues.

Tableau 1 : Pourcentage moyen de choix de l'expression émotionnelle selon la familiarité.
Emotion : Joie Tristesse Colère Dégoût Peur Neutre
Personnes connues : 87,3 69,7 72,4 75,8 80,8 81,3
Personnes inconnues : 91,8 67,6 76,5 70,3 84,3 84,3
Moyenne : 89,5 68,7 74,5 73,1 82,5 82,8

Une analyse de variance par items (2 x 6) a été réalisée pour vérifier qu'il n'existe pas de différences significatives entre les personnes connues et inconnues. Elle comporte deux facteurs, la familiarité (connu vs. inconnu) et l'expression faciale émotionnelle (joie vs. tristesse vs. colère vs. dégoût vs. peur vs. neutre). La familiarité est un facteur inter-items, l'expression faciale émotionnelle est un facteur intra-items. La familiarité n'a pas d'effet significatif (F (1, 22) = .16) et n'interagit pas avec l'émotion (F (5, 110) = .37). Par contre, l'émotion a un effet significatif (F (5, 110) = 5.34, p<.001). La joie est mieux reconnue que la tristesse, le dégoût et la colère (plus petite différence : F (1, 22) = 13.83, p<.01). La neutralité et la peur sont mieux reconnues que la tristesse (plus petite différence : F (1, 22) = 6.00, p<.05). Aucune autre différence n'est significative.

Chaque photographie a subi 5 manipulations (voir Figure 8) : (i) les yeux, (ii) le nez ou (iii) la bouche sont dissimulés par des formes géométriques, (iv) le contraste est inversé (image en négatif) ou (v) le visage est renversé. Lorsqu'un trait est dissimulé par une forme géométrique, cette dernière a exactement la même taille et la même forme pour toutes les photographies.

Notes
24.

Sont préférées les photographies pour lesquelles les réponses ne correspondant pas à l'émotion voulue se concentrent dans la catégorie "autre". Ce critère peut paraître laxiste, mais il résulte de la grande difficulté à exprimer toutes les émotions avec une très grande précision. Par ailleurs, les participants à la tâche d'évaluation de ces expressions étaient incités à utiliser la touche "autre" au moindre doute, ce qu'ils ont largement fait. Notons néanmoins que 36% des choix est une proportion significativement supérieure au hasard (χ2 = 4.37, p<.05) et que les photographies ayant une telle proportion ne représentent qu'une petite partie des visages utilisés (moins de 3% des visages dans l'expérience).