I.2.2. Discriminabilité A' et critère de décision B'' :...

Nous avons calculé les indices A' et B'' de la théorie de la détection du signal en considérant que la condition de signal correspond aux situations ou le visage sourit alors que le bruit correspond aux condition ou le visage est neutre. Nous avons appliqué une analyse de variance (2 x 2) sur A' et B''. Les variables sont la familiarité (célèbre vs. inconnu) et la durée de présentation (400 ms vs. 15 ms). Ces deux variables sont intra-sujets. Les moyennes et écart-types par conditions sont rapportés dans le Tableau 16.

Tableau 16 : Discriminabilité (A') et critère de décision (B'') de l'expression émotionnelle de visages célèbres et inconnus en fonction du temps de présentation (400 ou 15 ms).
Familiarité : Célèbre Inconnu
400 ms:
A'
B''
0,95
0,36
(0,05)
(0,70)
0,95
0,43
(0,07)
(0,75)
15 ms:
A'
B''
0,83
-0,03
(0,18)
(0,66)
0,80
0,02
(0,25)
(0,62)
( ) écart-type

La durée de présentation a un effet significatif sur A' et sur B'' : la discriminabilité est meilleure quand le visage est présenté 400 ms plutôt que 15 ms (0,95 vs. 0,81 ; F (1, 31) = 16.84, p<.001) et le critère est plus strict (0,40 vs. 0,00 ; F (1, 31) = 7.88, p<.01). La familiarité n'a pas d'effet et n'interagit pas avec la durée de présentation sur A' ou B''.

Les résultats de cette expérience montrent que la familiarité favorise le traitement de l'expression faciale émotionnelle. De plus, cet effet n'apparaît que lorsque les conditions de jugement sont difficiles, c'est-à-dire quand le temps d'exposition est bref. Nous pouvons donc conclure que la familiarité favorise le traitement de l'expression faciale émotionnelle lorsque celui-ci est difficile et ralenti. Dans ce cas, le processus d'accès à la familiarité ont le temps de s'achever et d'intervenir dans le processus impliqué par la consigne.

La question qui se pose maintenant est de savoir comment la familiarité intervient. On peut suggérer qu'il existe des représentations mnésiques expressives spécifiques à une personne donnée. Par exemple, pour le visage de Jacques Chirac, le système cognitif disposerait de représentations mnésiques le représentant non seulement de face et de profil, comme le suggèrent Bruce et Young (1986), mais aussi souriant, triste ou en colère. Lors du traitement de l'expression faciale émotionnelle, et principalement lorsque celui-ci rencontre des difficultés, ces représentations pourraient faciliter la reconnaissance d'une expression particulière. Par exemple, une photographie de Jacques Chirac souriant donnerait lieu à une première extraction de l'expression faciale émotionnelle par le processus de traitement habituel, mais aussi à l'activation d'une unité ou d'une représentation de cette personne exprimant cette émotion. Dans le cas où le processus de traitement de l'expression faciale opère normalement, le système cognitif pourrait aboutir à une décision sans que cette représentation ne puisse exercer une influence facilitatrice. Dans le cas contraire, la représentation expressive pourrait faciliter la décision du système cognitif.

L'expérience précédente ne permet pas de se prononcer sur l'existence de telles représentations. Les personnes familières sont des personnes célèbres, rencontrées avec des expressions variées. On ne peut connaître la nature de ces expressions ni leur fréquence. Nous avons donc réalisé deux autres expériences ou les participants sont familiarisés avec des visages qui leur sont inconnus avant l'expérience. Cette procédure vise à tenter de contrôler précisément la nature des représentations mnésiques.