I.2. Résultats

I.2.1. Pourcentage et latence des appariements corrects : ...

une analyse de variance (2 x 2 x 2 x 2) a été appliquée au pourcentage et à la latence des réponses correctes. Les variables analysées sont le groupe (patients schizophrènes vs. participants contrôles), la consigne (émotion vs. identité), la réponse attendue (même vs. différent) et le changement de l'autre dimension (oui vs. non). La première variable est une variable inter-sujets alors que les trois autres sont des variables intra-sujets. Les moyennes et écart-types par conditions sont rapportés dans le Tableau 23.

Tableau 23 : Pourcentage moyen (%) et latence moyenne (ms) des réponses correctes des schizophrènes et des contrôles lors de l'appariement de l'émotion ou de l'identité avec changement ou non de l'autre dimension.
Consigne Emotion Identité
Réponse Même Différent Même Différent
Changement Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui
Pourcentage (%) :
Schizophrènes 92,4 48,4 81,4 80,1 90,6 80,5 91,9 92,0
(13,1) (27,6) (21,1) (18,8) (8,6) (25,7) (10,0) (11,8)
Contrôles 98,1 71,5 93,9 84,8 98,3 96,1 95,3 96,4
(2,3) (12,3) (8,5) (10,0) (2,3) (3,8) (5,6) (3,8)
Latence (ms) :
Schizophrènes 1138 1643 1426 1426 1121 1242 1312 1225
(255) (708) (366) (394) (442) (548) (895) (582)
Contrôles 833 1283 1041 1176 747 886 811 816
(218) (298) (235) (321) (204) (248) (219) (227)
( ) : écart-type

Le groupe a un effet significatif sur le pourcentage et la latence : les patients schizophrènes répondaient moins bien (82,2% vs. 91,8% ; F (1, 38) = 20.35, p<.0001) et plus lentement que les participants contrôles (1317 ms vs. 949 ms ; F (1, 38) = 12.93, p<.001). L'effet de la consigne est lui aussi significatif pour les deux indicateurs : les réponses étaient moins bonnes pour l'expression que pour l'identité (81,3% vs. 92,6% ; F (1, 38) = 69.94, p<.0001) et elles étaient plus lentes (1246 ms vs. 1020 ms ; F (1, 38) = 11.86, p<.01). La réponse attendue a aussi un effet significatif sur le pourcentage : les participants répondaient mieux lorsque la réponse était "différente" plutôt que "même" (89,5% vs. 84,5 % ; F (1, 38) = 5.61, p<.05). Le changement a un effet significatif pour le pourcentage et la latence : les performances étaient meilleures et plus rapides lorsque la seconde dimension ne changeait pas (92,7% vs. 81.2% ; F (1, 38) = 95.26, p<.0001 et 1054 ms vs. 1212 ms ; F (1, 38) = 39.99, p<.0001).

L'interaction entre la consigne et le changement ainsi que l'interaction entre la réponse attendue et le changement sont toutes deux significatives pour le pourcentage (respectivement F (1, 38) = 145.78, p<.0001 et F (1, 38) = 32.71, p<.0001) et pour la latence (respectivement F (1, 38) = 32.24, p<.0001 et F (1, 38) = 37.64, p<.0001). De plus, l'interaction double entre la consigne, la réponse attendue et le changement est significative à la fois pour le pourcentage (F (1, 38) = 18.69, p<.001) et pour la latence (F (1, 38) = 7.55, p<.01). Cette dernière interaction indique que l'interaction entre la réponse attendue et le changement est significative lorsque la consigne portait sur l'émotion (F (1, 38) = 31.58, p<.0001 pour le pourcentage et F (1, 38) = 34.25, p<.0001 pour la latence) et lorsque la consigne portait sur l'identité (F (1, 38) = 6.84, p<.05 pour le pourcentage et F (1, 38) = 8.68, p<.01 pour la latence). Nous décomposerons donc uniquement les effets de la réponse attendue et du changement, d'une part, lorsque la consigne portait sur l'émotion et, d'autres part, lorsqu'elle portait sur l'identité.

Lorsque la consigne portait sur l'émotion, le changement de personne a gêné l'appariement quand l'émotion était la même (59,9% vs. 95,3% quand la personne ne changeait pas ; F (1, 38) = 115.16, p<.0001 et 1463 ms vs. 986 ms ; F (1, 38) = 46.44, p<.0001), la différence n'étant pas significative lorsque l'émotion était différente. Lorsque la consigne était sur l'identité, le changement d'expression a gêné l'appariement lorsque les deux visages appartenaient à la même personne (88,3% vs. 94,4% ; F (1, 38) = 5.21, p<.05 et 1064 ms vs. 934 ms ; F (1, 38) = 35.94, p<.0001) mais n'a eu aucun effet lorsqu'ils appartenaient à deux personnes différentes. Donc, le changement de la seconde dimension gène l'appariement - quelle que soit l'information - pour décider que les deux visages sont les mêmes selon la première dimension. Lorsqu'ils sont différents, le changement de l'autre dimension ne favorise pas la réponse. De plus, le changement de l'autre dimension a un effet plus important lorsque l'appariement porte sur l'expression (i.e., l'identité change) que lorsqu'il porte sur l'identité (i.e., l'expression change) : la chute des performances est, respectivement, de 35,4% et 6,1%, l'augmentation de la latence est, respectivement, de 477 ms et 130 ms.

L'interaction entre le groupe, la réponse attendue et le changement est aussi significative pour le pourcentage (F (1, 38) = 6.26, p<.05). Elle indique que l'interaction entre la réponse attendue et le changement est significative pour les patients schizophrènes (F (1, 19) = 17.96, p<.001) et pour les participants contrôles (F (1, 19) = 43.47, p<.0001). Pour ces derniers, changer la seconde dimension a fait chuter leurs performances quand la réponse était "même" (83,8% vs. 98,2% ; F (1, 19) = 101.94, p<.0001) ou "différent" (90,6% vs. 94,6% ; F (1, 19) = 17.28, p<.001), mais la chute était plus importante quand la réponse attendue était "même" (14,4% vs. 4,0%). Pour les patients schizophrènes, le changement de la seconde dimension a fait chuter les performances quand la réponse était "même" (64,4% vs. 91,5% ; F (1, 19) = 29.78, p<.0001) mais la différence n'est pas significative lorsque la réponse était "différent". De plus, lorsque la réponse était "même" et que la seconde dimension changeait, la chute des performances était plus importante pour les patients schizophrènes que pour les participants contrôles (27,1% vs. 14,4%). Finalement, les patients schizophrènes ont eu des performances inférieures aux participants contrôles dans quasiment toutes les conditions, sauf quand la réponse attendue était "différent" et que la seconde dimension changeait.

Pour résumer ces résultats, tous les participants ont été gênés par le changement de la seconde dimension, surtout s'il s'agissait d'un changement d'identité lors de l'appariement sur l'émotion. De plus, la perturbation était plus importante pour les patients schizophrènes. L'observation du Tableau 23 indique, par ailleurs, que ces patients répondaient au hasard lorsque la consigne portait sur l'émotion, que l'émotion était la même mais que les personnes étaient différentes (48,4%, le hasard étant de 50%). Aucune autre interaction n'est significative, notamment les interactions entre le groupe et la consigne et l'interaction globale. Par conséquent, les patients schizophrènes ne sont pas significativement plus atteints pour une consigne que pour l'autre.