II.2.3. Corrélation entre les performances de classification et l'évaluation des symptômes : ...

nous avons calculé le coefficient de corrélation de Spearman entre les performances lors de la classification d'une part et, d'autre part, la sévérité des symptômes schizophréniques négatifs évaluée par la SANS (Scale for the Assessment of Negative Symptoms, Andreasen, 1983) et des symptômes positifs évaluée par la SAPS (Scale for the Assessment of Positive Symptoms, Andreasen, 1984). Nous avons aussi déterminé si la sévérité de ces deux types de symptômes co-varie ou non avec l'importance de l'interférence de l'identité lors de la classification selon l'expression faciale émotionnelle. Cette interférence est déterminée en soustrayant la latence moyenne pour les conditions corrélées et constantes à la latence moyenne pour la condition orthogonale ; plus cette différence (en ms) est grande, plus l'interférence de l'identité lors de la classification de l'expression faciale émotionnelle est importante.

Les performances lors de la classification de l'expression faciale émotionnelle corrèlent significativement avec le score à la SANS (ρ = -.59, p<.05 pour le pourcentage et ρ = .60, p<.05 pour la latence) mais pas avec le score à la SAPS (respectivement ρ = .33 et ρ = 39). Les performances lors de la classification de l'identité ne corrèlent ni avec la SANS ni avec la SAPS. Par ailleurs, l'interférence de l'identité lors de la classification sur l'émotion corrèle significativement avec le score à la SANS (ρ = .63, p<.05) mais pas avec ceux à la SAPS (ρ = .45). Ainsi, les symptômes négatifs corrèlent avec, d'une part, les performances lors de la classification de l'émotion et, d'autre part, l'interférence de l'identité dans cette même tâche (voir Figure 27).

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Figure 27 : Corrélation entre le score à la SANS et la latence de classification de l'émotion (ms) et l'interférence de l'identité lors de la classification de l'émotion (ms).

Nous ne présenterons pas l'étude individuelle des cas ; l'effet plafond observé au niveau du pourcentage moyen de classification correcte rendrait toute conclusion délicate.

Une des principales conclusions de cette expérience est que les deux groupes - schizophrènes et contrôles - ne sont pas capables de porter leur attention sélectivement sur l'expression faciale émotionnelle sans être perturbés par les variations d'identité. Au contraire, les variations d'émotion n'interfère pas avec la classification selon l'identité, y compris pour les patients schizophrènes. Les patients schizophrènes - lorsqu'ils sont considérés en groupe - présentent bien un déficit par rapport aux contrôles, mais celui-ci se traduit par une augmentation globale des latences, plus importante pour la classification de l'émotion, mais identique pour toutes les conditions. Pour ces derniers, cependant, il y a une corrélation significative entre la sévérité de leurs symptômes négatifs (telle qu'évaluée par la SANS) et, d'une part, leur performance lors de la classification selon l'émotion et, d'autre part, l'interférence provoquée par la variation de l'identité.

Par ailleurs, les corrélations indiquent, comme dans l'expérience précédente, que les performances, et par conséquent les déficits du traitement d'une information, sont significativement liés aux performances/déficits du traitement de l'autre. Au niveau du pourcentage de réponses correctes, la corrélation n'est significative que lorsque les deux groupes sont considérés ensemble, et non si on considère les schizophrènes (ou les contrôles) isolément. Notons, cependant, que l'effectif est petit dans ce cas (N = 12) et que les performances sont en moyenne meilleures que celles observées dans l'expérience précédente. On peut même parler d'effet plafond. Il apparaît donc que, même si le seuil correspondant à une atteinte peut être franchi pour le traitement d'une information sans l'être pour l'autre, une baisse de l'efficience d'un processus s'accompagne d'une baisse de l'efficience proportionnelle de l'autre.