les dossiers retrouvés

Le dossier de 103 salariées "B" ont été retrouvés. La faiblesse relative de ce nombre, par rapport aux 2 335 personnes qui composent la base de données, est due à la conjonction de plusieurs facteurs. D'abord, nombre de salariées du Grand Bazar ont terminé leur vie active avant la mise en place du régime de retraite complémentaire obligatoire et n'ont donc jamais eu de dossier de retraite à la CIRRIC. C'est au moins le cas des 200 "B" de l'échantillon nées avant 1880, et sans doute d'une grande partie des 540 dont on ne connaît pas la date de naissance et qui sont entrées au Grand Bazar avant 1918. Inversement, il faut aussi que les salariées aient été pensionnées en 1999, lorsque les dossiers ont été consultés, ce qui n'est pas le cas des 687 "B" de l'échantillon nées après 1939. Ensuite, les dossiers de retraite ne sont pas éternellement conservés à la caisse de retraite, mais détruits cinq ans après la mort du dernier ayant droit de la ou du salariée décédée. Le dossier de la grande majorité de celles et ceux qui ont pris leur retraite dans les années 1960 n'existe donc plus aujourd'hui. Ainsi, les dossiers de retraite retrouvés en 1999 sont-ils ceux de salariées relativement "jeunes" par rapport à l'ensemble de l'échantillon. De fait, ils ne concernent aucune personne née avant 1900 et 13 seulement nées dans la première décennie du 20e siècle. Ces dates de naissance signifient alors qu'aucune salariée dont le dossier de retraite a été retrouvé n'est entrée au Grand Bazar avant la Première Guerre mondiale et que la grande majorité d'entre elles et eux ont été embauchées après la Deuxième Guerre mondiale (80 sur 103).

Un dernier élément explique l'absence de dossier de retraite, qui n'est pas lié à la conservation des dossiers mais au fonctionnement des caisses de retraite. Celui-ci opère, en effet, une sélection relative à la durée de l'emploi au Grand Bazar. Tous les dossiers de retraite retrouvés ont été instruits selon le système de liquidation des pensions en vigueur avant le 1er janvier 1999, date à laquelle il a été profondément modifié. Ce système veut que ce soit la dernière caisse à laquelle la ou le salariée a cotisé qui instruise le dossier, c'est-à-dire qui reconstitue l'ensemble de la carrière et établisse le montant dû par chacune des caisses auxquelles la ou le salariée a cotisé au cours de sa carrière. Une fois le dossier complet, il est transmis à chaque caisse pour la liquidation. Cet "éclatement" des pensions – point sur lequel ont porté les modifications de 1999 – a été en partie limité par le "transfert" des pensions entre les caisses de retraite, selon les termes utilisés. Lorsque la période de cotisation à une caisse est inférieur à cinq ans (la période était encore inférieure dans les années 1960 et 1970, d'après Catherine Barcowiac, alors cheffe de service à la CIRRIC), la caisse concernée ne paie pas elle-même la faible somme théoriquement due, mais transfère sa part à la caisse ARRCO qui verse la plus grosse partie de la retraite. Un système de compensation rétablit ensuite l'équilibre entre les différentes caisses. Lorsque le versement de pensions de retraite est "transféré" à une autre caisse, le dossier n'est pas conservé à la caisse d'origine. Dès lors, n'a été retrouvé à la CIRRIC que celui de salariées restées relativement longtemps au Grand Bazar. Des 103 salariées, deux seulement y travaillent moins d'un an. Cette importance de la durée de l'emploi sur la conservation des dossiers constitue un biais important quant à la représentativité des dossiers de retraite puisque la moitié des 2 707 embauches de l'échantillon donnent lieu à des temps de présence inférieurs à deux mois. Mais parmi les "B" qui ont travaillé plus de cinq ans au magasin après la Seconde Guerre mondiale, les dossiers ont été retrouvés dans une bonne proportion, quatre sur cinq114.

Notes
114.

58 "B" embauchées au Grand Bazar entre le premier janvier 1946 et août 1974 (terme de cette étude) y travaillent plus de cinq ans. Le dossier de retraite de seulement 12 d'entre elles et eux n'a pas été retrouvé.