les entretiens

Deux raisons ont motivé la conduite d'entretiens avec d'anciennes salariées du Grand Bazar. Les silences des procès-verbaux du conseil d'administration sur l'organisation du travail et son évolution à partir de la fin des années 1940 rendaient d'abord nécessaire la recherche de nouvelles sources. Ensuite, faute d'avoir retrouvé suffisamment tôt la convention dont relevait le Grand Bazar entre 1950 et 1974, il a été particulièrement difficile de comprendre les contrats de travail utilisés dans cette période, de comprendre leurs différences et les statuts qu'ils recouvraient. Interroger des salariées, en particulier celles et ceux qui étaient responsables du personnel à l'époque avait donc pour but de confirmer certaines hypothèses. Le but des entretiens n'a donc pas été de mener des investigations approfondies sur le rapport au travail et à l'emploi de ces salariées, mais d'obtenir des informations qui n'avaient pas été trouvées ailleurs. Il ne s'agissait donc pas de s'assurer d'une quelconque représentativité des personnes interrogées par rapport à l'ensemble des salariées.

Les trois premières femmes sollicitées pour un entretien sont celles que j'avais côtoyées presque tous les jours en 1997, lorsque je dépouillais les archives du Grand Bazar. Tous les documents étaient alors conservés dans les locaux du magasin et j'étais installée dans une salle de réunion, à proximité des bureaux où travaillaient alors Marie-Claude Blanc, Laurence Bazin, employées de bureau, et Nicole Roche, cheffe de bureau et responsable du personnel. La première, entrée au Grand Bazar en 1966 comme vendeuse a ensuite été mutée dans les bureaux où elle travaille toujours. La seconde, n'a travaillé que dans les bureaux du Grand Bazar, de 1961 à 1998. La dernière a fait carrière dans le magasin (de vendeuse à cheffe de "département", c'est-à-dire de l'ensemble des rayons appartenant au "bazar"), avant de devenir cadre administrative jusqu'à son départ du magasin, en 1999. Toutes les trois ont accepté et m'ont permis de rencontrer Raymonde Borderieux, qui avait travaillé de 1956 à 1992 comme vendeuse et réserviste au Grand Bazar et Janine Gay, embauchée au magasin en 1949 comme dactylographe avant de devenir cheffe du personnel de 1963 à son départ, en 1989. Grâce à Janine Gay, j'ai pu entrer en contact avec Pierre Brac de la Perrière, qui fut sous-directeur du magasin de 1949 à 1963, puis directeur jusqu'en 1985.

Pour les cinq femmes, l'entretien était divisé en deux parties. Une première série de questions concernait l'aspect général de leur vie professionnelle (les interruptions d'activité, les emplois occupés avant l'embauche au Grand Bazar) et la seconde, qui est finalement la seule qui a été véritablement exploitée dans la thèse, la carrière au Grand Bazar. Le but était là de leur faire raconter l'évolution de leurs postes et de leur statut, leurs horaires de travail, mais aussi de leur faire décrire le plus précisément possible les fonctions qu'elles effectuaient au quotidien. L'objectif a été atteint avec un succès inégal, tant il est difficile pour chacune (et pas seulement ces salariées) de raconter ce qui est aussi habituel et automatique. Des questions plus précises en matière de gestion de la main-d'oeuvre ont été posées à Pierre Brac de la Perrière, Nicole Roche et Janine Gay.