2/ les ouvriers

Aucun dossier d'ouvrière ou ouvrier embauché-e avant la guerre n'a été conservé. Mais après la guerre et contrairement à toutes les autres salariées du magasin, le savoir-faire joue un rôle dans l'embauche des ouvriers du Grand Bazar, qu'ils travaillent dans les rayons ou à l'entretien. L'expérience distingue ceux qui sont recrutés comme "aides" – aide-ouvrier, aide-électricien, aide-monteur, aide-plombier – des autres. Les formations scolaires et les diplômes ne sont pas plus mentionnés pour eux que pour le reste du personnel, mais les "ouvriers", ceux qui ne sont pas dits "aides", ont, à une exception près, déjà exercé le métier qui est le leur au Grand Bazar et uniquement celui là. Clodomir Danzé est ainsi embauché comme monteur-électricien au rayon électricité en janvier 1929. Il a 28 ans et vient de fermer ses "magasin et atelier" qu'il tient depuis huit ans461. Il reste 20 jours au Grand Bazar. Georges Doignon, qui entre comme plombier en 1924, à 37 ans, a, auparavant, toujours travaillé comme plombier et monteur en chauffage central. Il ne reste que trois semaines au magasin462. Claude Dechin enfin, 55 ans en 1919, recruté comme menuisier au rayon meuble du Grand Bazar, a été salarié uniquement chez des menuisiers. Il travaille 4 ans et demi au Grand Bazar463. Joseph Danton est l'exception : embauché comme menuisier en 1926, à 62 ans, il est retraité de la ville de Lyon où il était "capteur de chiens errants, fourrière de Gerland". Il est cependant muté après quelques mois à l'expédition et reste sept ans au Grand Bazar464.

Leurs "aides" sont moins qualifiés. La plupart n'ont occupé que des postes d'ouvriers non qualifiés dans différentes entreprises et ont donc côtoyé les métiers qualifiés, sans les exercer. Jean Drach par exemple, embauché en 1920, à 34 ans, comme "aide-ouvrier" au rayon hydrothérapie et chauffage, a été, depuis la fin de la guerre, "manoeuvre chez Bourgeois et Cie", puis "chez M. Matthey, entrepreneur en maçonnerie"465. Il reste trois semaines au Grand Bazar. Pierre Desarthe, embauché en février 1924 comme aide-plombier, indique "aide-monteur" en chauffage central pour les deux années qui précèdent son entrée au Grand Bazar. A 39 ans, il a travaillé auparavant dans plusieurs industries dont Berliet. Il meurt cinq ans après son entrée466. Tous les aides n'ont pourtant pas travaillé uniquement dans l'industrie. C'est le cas de deux hommes embauchés au rayon meuble comme "aides-poseurs de linoléum", dont Joseph Dague, 27 ans en 1926, qui était gendarme dans les Ardennes et vient de démissionner467. Il travaille d'abord trois mois au Grand Bazar, d'avril à juillet, puis est à nouveau embauché un mois pour les fêtes de fin d'année.

Les taxinomies qui distinguent des postes d'ouvriers et d'aides-ouvriers correspondent donc globalement à une différence de qualification. Les ouvriers, contrairement aux aides-ouvriers possèdent véritablement un "métier" qui a constitué leur unique activité jusqu'à l'entrée au Grand Bazar. Avec le personnel d'encadrement, ce sont alors les seuls salariés du magasin pour lesquels l'expérience antérieure joue un rôle à l'embauche.

Notes
461.

ADR, 133J203, B7n°105, entré le 21 janvier 1929.

462.

ADR, 133J202, B6n°45, entré le 7 juillet 1924.

463.

ADR, 133J204, B7bisn°5, entré le 15 octobre 1919.

464.

ADR, 133J203, B7n°21, entré le 23 août 1926.

465.

ADR, 133J198, B2n°45, entré le 29 novembre 1920.

466.

ADR, 133J200, B4n°89, entré le 26 février 1924.

467.

ADR, 133J198, B2n°48 entré le 14 avril 1926.