les adresses

Lorsqu'elles et ils entrent au Grand Bazar, l'immense majorité des salariées habitent à proximité du magasin. Entre 1902 et 1936, 1 352 embauches sont le fait de salariées dont on connaît l'adresse544. 1134 (84%) habitent à Lyon, majoritairement dans les quatre arrondissements les plus proches du magasin : les premier et deuxième qui sont sur la Presqu'île, les troisième et sixième situés de l'autre côté du Rhône. Les autres résident, dans leur quasi totalité, dans les communes qui jouxtent directement Lyon.

Tableau n°10 : Arrondissement d'habitation des salariées (B) embauchées entre 1902 et 1936 dont l'adresse est lyonnaise.
1er arrond. 2e 3e 4e 5e 6e 7e * Lyon-total
185 224 197 72 139 179 138 1134

* Le 7e arrondissement lyonnais n'existe que depuis 1912, date à laquelle le 3e arrondissement a été scindé.

Ces parcours géographiques, dans la mesure où ils peuvent être reconstitués, établissent ainsi le seul élément requis pour être embauché-e au Grand Bazar : être citadin-e. Pour travailler dans un grand magasin, il faut, en effet, en connaître les codes. Or, avant 1936, ces commerces sont très faiblement implantés en dehors des centres urbains importants. Une acculturation urbaine est, par conséquent, nécessaire.

Fréquenter régulièrement ces lieux de consommation est bien la seule expérience demandée aux salariées pour être embauchées au Grand Bazar. L'expérience strictement professionnelle, elle, ne joue aucun rôle. Pour les patronnes de commerce, aucun savoir-faire n'est nécessaire pour travailler dans un grand magasin. Cette négation les a conduites à négliger la création de toute filière de formation qui aurait pu amorcer une "professionnalisation" du groupe. Elle se traduit effectivement par le recrutement de personnel aux parcours professionnels variés, constitués des postes de travail non qualifiés de l'ensemble des secteurs d'activité, l'agriculture exceptée. Dans ce cadre, l'emploi au Grand Bazar, de très courte durée pour beaucoup, n'en est qu'un parmi tant d'autres et ne représente visiblement pas une situation plus enviable que celles qu'elles et ils ont connues auparavant. Il est, dès lors, bien difficile de faire des salariées du Grand Bazar des "employées". Mais aucun mot n'est disponible pour dire leurs parcours professionnels. Ce choix des employeurs (la direction du Grand Bazar comme celle de beaucoup d'autres grands commerces sans doute) de recourir à des salariées non qualifiées est parfaitement intégré au système de gestion du personnel. C'est le moyen le plus sûr de trouver une main-d'oeuvre toujours disponible sur le marché du travail et donc de prévenir les difficultés que créent un turn-over élevé. Cette instabilité des salairées est due à la faible protection des emplois et aux faibles niveaux de rémunération.

Notes
544.

1 392 "B" sont embauchées au Grand Bazar entre le 1er janvier 1902 et le 31 août 1936. L'adresse de 40 salariées n'est pas connue.