1- la paie des surnuméraires embauchées en fin d'année de 1902-1911

Les salariées embauchées pour les fêtes pendant la première décennie du 20e siècle sont systématiquement payées plus que celles et ceux qui entrent à un autre moment de l'année. Les hommes non gueltés sont payés 5F contre 4,15F le reste de l'année et le fixe des vendeurs s'élève à 3,50F contre 3,35F. En 1906 par exemple, Joseph Dacquet entre comme vendeur au rayon jouets à 3,50F + 1% de guelte857 et Jules Deboise, inspecteur est, comme Jean Dollet, comptable, à 5F par jour858. Marthe Duffort est, elle aussi, embauchée pour les fêtes la même année, comme caissière et gagne également 5F par jour859. Seule une autre "B" est embauchée pour les fêtes avant la guerre, l'année précédente, au même poste et au même salaire. Marguerite Delafond, entrée en 1893, n'est donc pas la seule caissière dont le salaire est semblable à celui des hommes, c'est le cas aussi des surnuméraires. Les vendeuses ont en revanche un fixe inférieur à celui des hommes. Celui de Marie Delor, recrutée à la parfumerie en décembre 1913, s'élève, comme pour les autres femmes, à 3,05F par jour860. Les sacochiers constituent un groupe particulier parmi les auxiliaires de fin d'année puisqu'ils ne gagnent pas 5 mais 6F par jour. Jean-Marie Devèze travaille deux années de suite pour les fêtes dans les bureaux du Grand Bazar861. En 1906, il est "comptable" à 5F et l'année suivante, "sacochier" à 6F par jour.

Les surnuméraires dont l'embauche au Grand Bazar est prolongée après les fêtes de fin d'année voient alors leur salaire revenir au tarif pratiqué le reste de l'année. De même, Joseph Dario, vendeur au rayon jouets en décembre 1904, est embauché une seconde fois un mois après sa sortie, à la parfumerie, mais avec un fixe de 3,35F862. Ce sont donc les horaires de travail particulièrement longs des fêtes de fin d'année qui justifient ces salaires plus élevés. Rien ne permet de savoir si le personnel déjà présent avant les fêtes est alors augmenté pendant quelques semaines. Il est sans doute difficile d'envisager que ce ne soit pas le cas, même si les salariées ont aussi, pendant cette période, des compensations en jours de repos.

Alors qu'aucune limitation légale du temps de travail des employées de commerce n'existe, la direction est donc obligée de tenir compte de l'ampleur du travail de décembre, non seulement pour le personnel permanent du magasin, mais aussi pour les auxiliaires appelées en renfort. A partir de 1909, les vendeurs de fin d'année n'ont pourtant plus un fixe particulier et la même égalisation avec les salaires pratiqués le reste de l'année se produit dans les bureaux et à l'expédition trois ans plus tard. Il est pourtant impossible que le Grand Bazar cesse, à cette période, de rémunérer le travail supplémentaire. Entre 1909 et 1911, les nombreux débats autour des projets de loi limitant la journée de travail des employées déposés à l'Assemblée nationale renforcent la pression syndicale et font même croire au conseil d'administration de la société qu'une réglementation est imminente. Les salaires pratiqués en fin d'année à partir de là signifient alors plus probablement que la direction du Grand Bazar paie désormais précisément les heures supplémentaires et ne se contente plus d'augmenter de manière forfaitaire la rémunération de la journée de travail. C'est aussi à partir de 1909 que les grands magasins parisiens paient des heures supplémentaires.

Notes
857.

ADR, 133J190, RES1n°52, entré le 26 novembre 1926.

858.

ADR, 133J190, RES1n°89, entré le 3 décembre 1906 et RES1n°127, entré le 24 décembre 1906.

859.

ADR, 133J190, RES1n°116, entrée le 6 décembre 1916.

860.

GBL, C4n°5, entrée le 28 décembre 1913.

861.

ADR, 133J190, RES1n°128, entré le 27 décembre 1906 et le 22 décembre 1907.

862.

ADR, 133J205, B8n°76, entré le 9 décembre 1904 puis le 20 février 1905.