1/ les gratifications

a- 1886-1893

Statutairement, 20% des bénéfices annuels de la société sont à la disposition du conseil d'administration899. En 1890, le conseil exprime pour la première fois son intention de distribuer une part de ces 20% en gratifications à quelques cheffes de rayon et anciennes employées900. Il reste, à cette date, 5% disponibles, les autres parts étant attribuées au directeur, au caissier principal et à l'inspecteur principal901. Cette répartition est modifiée en 1892902 et laisse alors 4% à distribuer aux "bons et anciens employés", selon l'expression utilisée903. La liste des bénéficiaires est arrêtée après consultation du directeur et des cheffes de services ou de rayons904. 87 personnes y sont inscrites en 1891, 84 en 1892 et 105 en 1893. Le montant des gratifications s'étale de 50 à 100F pour les salariées sans grade et de 100 à 400F pour les cheffes. Pour les premieres, dont les salaires annuels s'élèvent à 1 500F pendant les premières années de travail au Grand Bazar, les gratifications peuvent donc représenter de 10 à 25 jours de salaire. Ces suppléments sont encore plus importants pour certaines cheffes, dont les 300F ou 400F de gratifications correspondent à plus d'un mois de salaire.

Le système est remis en cause peu de temps après, dès 1893, parce qu'il "n'a pas eu le mérite de satisfaire tout le monde [et] a suscité beaucoup de jalousies"905. Le conseil décide alors d'utiliser les 4% sur les bénéfices non plus pour distribuer des gratifications mais pour alimenter une caisse de retraite et de secours. Cette décision, qui ne signifie pas la suppression de toutes les gratifications, a pour conséquence principale la mise en place d'éléments de rémunération différents selon la place des salariées dans la hiérarchie du magasin. Pour les salariées non gradées, deux types de rémunération se succèdent : le droit à une retraite remplace un élément de salaire plus direct, les gratifications. Pour les membres de l'encadrement, la substitution n'est pas aussi radicale. Elles et ils continuent à recevoir des gratifications importantes ou sont intéressées, dans les rayons, à l'augmentation de leur chiffre d'affaires.

Notes
899.

ADR, 133J002, PV du CA du 29 octobre 1891.

900.

Idem, PV du CA du 24 septembre 1890.

901.

Idem, PV du CA du 13 novembre 1888.

902.

Idem, PV du CA du 26 novembre 1891 et du 26 novembre 1892.

903.

On trouve l'expression dans les PV des 8 novembre 1890, 29 octobre 1891 et 28 octobre 1892.

904.

ADR, 133J002, PV du CA du 13 octobre 1893.

905.

Idem, PV du CA du 27 juin 1893.