2/ un pourcentage sur l'augmentation du chiffre d'affaires pour les cheffes et sous-cheffes de rayons

Cet élément de salaire, dont il n'est jamais question au 19e siècle, est mis en place au tournant du siècle. Les cheffes reçoivent pour la plupart 2% sur l'augmentation du chiffre d'affaires de leur rayon par rapport à l'année précédente : c'est le cas pour Hélène Flacheron (mode) et Espinasse (maroquinerie) qui sont au Grand Bazar depuis le 19e siècle, comme pour Georges Clamarin (confection pour hommes), Pochet (jouets) ou Dolard (meubles), qui arrivent à la tête de leurs rayons en 1903, 1908 et 1914911. Pour "stimuler le zèle" des intéressées, ce taux est cependant susceptible de varier, il est ainsi poussé à 3% pour Espinasse en 1909912. Les renseignements disponibles sur les secondes sont peu nombreux mais semblent montrer que leurs pourcentages ne sont pas non plus tous identiques. En 1903, les deux seconds du rayon sellerie, Etienne Denoir et Louis Danjou, ont 1% sur l'augmentation des affaires913. En 1913 en revanche, lorsque Jean-Marie Dauchez, vendeur, est promu second du rayon porcelaine, il obtient 2% sur l'augmentation des affaires en plus des 0,5% sur les ventes914.

En 1930, ce pourcentage donne les sommes les plus disparates entre les cheffes comme entre les sous-cheffes. Ceux, d'abord, dont les ventes n'ont pas augmenté, n'obtiennent rien, comme Simonet, Roques et Imbert en 1930. Leurs sous-cheffes ne gagnent donc rien non plus à ce titre. Les montants reçus par celles et ceux dont "l'excédent" est positif vont de 1 600F pour Lagarde à 12 000F pour Fontaine, en passant par 4 400F pour Aimé Chambion, 4 600F pour Louis Duchet et 5 400F pour Henriette Gaillard. Ils représentent alors deux mois de fixe pour Lagarde, six mois pour Duchet, sept pour Grimaud et même les douze mois de salaire (fixe) pour Fontaine. On retrouve les mêmes disparités chez leurs sous-cheffes. Rabilloud, qui reçoit, au rayon ménage, la moitié de la somme de son chef, près de 6 000F, double lui aussi son fixe annuel grâce à cet intérêt. Pour Sandraz, sous-chef à la porcelaine qui gagne lui aussi la moitié de la somme de Lagarde, 800F ne représentent en revanche que cinq semaines de fixe environ. Lorsque deux sous-chefs sont présents dans un rayon, ils reçoivent la même somme. Le rayon jouets, le seul où un homme et une femme sont sous-cheffes, constitue la seule exception, puisque 4 120F sont versés à Evieux pour l'augmentation des ventes et seulement 1 700F à Virginie Lauret. Mais Devel et Prévost au rayon hydrothérapie ont droit à 2 000F chacun, montant qui n'est pas, cette fois, la moitié de celui de Chambion, ce dernier étant chef de trois rayons. L'excédent est, pour les sous-cheffes, une source de revenus bien plus importante que les gratifications des adjointes.

Mais c'est aussi une source de revenus précaire, susceptible de disparaître au moindre retournement de la conjoncture. Les années où les excédents sont, individuellement ou collectivement, jugés trop faibles par le conseil, des gratifications sont alors distribuées aux cheffes en compensation. Les sous-cheffes n'y ont pas nécessairement droit. En 1927 par exemple, "par suite des circonstances économiques, le chiffre d'affaires au 31 août sera inférieur à celui de l'année précédente, donc les directeurs, chefs et sous-chefs de rayon intéressés sur l'excédent de chiffre d'affaires ne bénéficieront d'aucun avantage". Le conseil décide alors de leur attribuer la moitié des excédents qu'elles et ils avaient gagnés l'année précédente915. La mesure prend en compte les sous-cheffes916. En 1930 en revanche, Roques est le seul des trois chefs de rayon qui n'ont pas d'excédents à recevoir des gratifications, d'un montant de 1 000F, mais la sous-cheffe du rayon n'en a pas. Dans les années 1930, l'absence d'excédent devient systématique. En 1932, les appointements fixes des cheffes et sous-cheffes sont alors légèrement relevés917.

Après 1893, les gratifications ne sont plus un élément salarial important pour toutes les salariées non-gradées du Grand Bazar. En revanche, celles qui sont versées aux chefs de service et à leurs adjoints restent élevées et le pourcentage sur l'augmentation du chiffre d'affaires que touche la hiérarchie des rayons à partir de là occupe aussi une place importante dans leur rémunération annuelle. Les non-gradées doivent alors bénéficier de la caisse de retraite. Or, conséquence de la loi sur les retraites ouvrières et paysannes votée en 1910, la caisse de retraite du Grand Bazar est supprimée en 1912. La part des bénéfices qui l'alimentait jusque-là va alors donner naissance à un nouvel élément salarial, qui ne relève plus de la protection sociale : la prime d'ancienneté.

Notes
911.

ADR, 133J004, PV du CA du 23 septembre 1904, du 21 septembre 1905, du 4 mai 1908 et 133J005, PV du CA du 11 mars 1913 et du 14 avril 1914.

912.

ADR, 133J004, 28 septembre 1909.

913.

ADR, 133J190, RES1n°28, entré le 6 mai 1901 et RES1n°7, entré le 1er avril 1891.

914.

ADR, 133J201, B5n°33, entré le 11 janvier 1909.

915.

ADR, 133J007, PV du CA du 10 août 1927.

916.

ADR, 133J157, Récapitulations des paies du personnel, année 1927.

917.

ADR, 133J007, PV du CA du 27 septembre 1932.