2/ indemnisation de la maladie

Les secours distribués aux salariées en cas de maladie ne sont pas plus importants.

a- la caisse de secours avant 1914

L'article 12 des statuts de la "caisse de retraite" est consacré aux secours qui peuvent "exceptionnellement" être accordés. Les bénéficiaires en sont : les employées en activité de service qui seraient obligées de cesser leurs fonctions pour cause de santé sans avoir le temps de service exigé pour avoir droit à la pension ; les veuves et orphelins mineurs des employés et enfin les employées dont la situation paraîtrait "digne d'intérêt".

En 1895, plus d'un an après la création de la caisse, le conseil d'administration fait le point sur les comptes : sur les 25 483,65F de recettes (versements sur les bénéfices 1892/1893 et 1893/1894), 250F de secours ont été distribués et 23 938,10F utilisés en achat d'obligations981. Plus aucune aide n'est ensuite signalée dans les délibérations du conseil d'administration du Grand Bazar avant 1901. 100F par mois sont alors versés à deux hommes malades, Nicolet et Prudent, "tous deux privés de ressources et chargés de famille"982. On sait simplement que Prudent est emballeur et présent depuis au moins deux ans au magasin983. 100F correspondent donc sans doute à environ trois semaines de salaire. La distribution de secours est cependant tellement faible qu'en 1903, le conseil s'interroge sur sa pratique en matière d'indemnisation des employées malades. L'un des administrateurs est alors chargé de rechercher les décisions qui ont pu être prises antérieurement sur cette question984. Il s'avère que le Grand Bazar a la "généreuse habitude" d'accorder une partie de leurs appointements aux employées ayant plus de cinq ans de présence dans la maison, mais qu'il "est difficile d'établir un règlement absolu sur le sujet"985. 15 seulement des 52 "B" présentes le 1er mars 1903 ont une telle ancienneté, soit à peine plus du quart, cette proportion étant en outre peut-être surestimée par les sources. Le conseil décide alors de conserver les "errements précédents", confiant à Font, un des administrateurs délégués, le soin d'accorder les faveurs de l'administration "suivant la plus ou moins longue présence et le plus ou moins grand mérite de l'employé malade". En 1905, les garçons demandent qu'on paie l'ensemble de leurs appointements lorsque, après un an de présence, ils seront obligés de se faire soigner hors de la maison pendant une durée maximale de 15 jours986. C'est accordé, mais ceux qui ne pourront reprendre leur service après deux semaines de maladie seront considérés comme ne faisant plus partie de la maison et pourront être remplacés.

Un article paru en 1909 dans L'Aiguillon, dont le sous-titre est "organe de défense corporative des employés de commerce, de bureau et d'industrie de la région lyonnaise", montre en outre à quel point la "politique sociale" du Grand Bazar est méconnue. Intitulé "leur reconnaissance", il est écrit à l'occasion de l'enterrement d'un employé du Grand Bazar987. Si l'essentiel de ce bref article porte sur le manque d'égard de la direction qui n'a pas daigné y assister, une "dernière critique" évoque les subsides que le magasin a fait parvenir au "regretté camarade" pendant sa maladie, "en faisant accréditer intentionnellement le bruit que c'était l'administration qui les lui fournissait". "Il faut que tout le monde sache que les sommes accordées à un malade ne proviennent pas d'un acte de générosité de la part de ceux qui emploient, mais bien de la caisse alimentée par les versements de tout le personnel". Le conseil d'administration réagit en menaçant les membres du bureau de supprimer la caisse de secours si le journal récidivait988. Comment, si mal connue, la politique sociale du magasin pourrait-elle être un outil de sédimentation de la main-d'oeuvre ?

Notes
981.

ADR, 133J003, PV du CA du 23 novembre 1895.

982.

Idem, PV du CA du 19 mars 1901.

983.

Idem, PV du CA du 18 février 1899.

984.

Idem, PV du CA du 14 août 1903.

985.

Idem, PV du CA du 17 septembre 1903.

986.

ADR, 133J004, PV du CA du 12 avril 1905.

987.

ADR, PER016, L'Aiguillon, n°16, septembre 1909, p.2.

988.

ADR, 133J004, PV du CA du 26 octobre 1909.