L'idée de verser aux travailleurs masculins un "salaire familial" naît au 19e siècle et constitue une modification profonde de la manière d'envisager le salaire. Les revenus des travailleurs ne doivent pas être seulement la rémunération d'un travail effectué mais prendre en compte les besoins réels de chacun1001. Fondé sur la division sexuelle des rôles sociaux qui attribue au père le devoir de subvenir aux besoins de sa famille, le "salaire familial" des hommes fait ainsi écho au "salaire d'appoint" des femmes. Tous les syndicats ne sont pas unanimes à le réclamer, les enjeux se tissant clairement autour du droit au travail pour les femmes.
En France, les problèmes économiques (cherté de la vie, inflation), sociaux (mouvements de contestation, grèves) et démographiques ("dénatalité", manque de main-d'oeuvre) de l'entre-deux-guerres1002 provoquent des changements importants en matière salariale. Les employeurs et employeuses versent désormais un "sursalaire" à leur personnel, fonction du nombre d'enfants à charge1003. Dans la métallurgie, les actions patronales sont concertées, dans le but affirmé de retenir la main-d'oeuvre et passent par la mise en place des caisses de compensation en 19201004. Le commerce n'a pas d'organisation patronale aussi structurée, mais de fait, au Grand Bazar comme dans l'entreprise Casino, des allocations familiales sont versées aux salariées1005.
Henri Hatzfeld, Du Paupérisme à la sécurité sociale, ouvrage cité, p.173 et Laura Frader, "Définir le droit du travail : rapports sociaux de sexe, famille et salaire en France aux XIXe et XXe siècles", Le Mouvement Social, n°184, 1998, p.5-22.
Catherine Omnès, contribution citée, dans André Gueslin et Pierre Guillaume (dir.), De la Charité médiévale à la sécurité sociale, Editions Ouvrières, Paris, 1992, p.240.
Laura Frader, article cité, p.17.
Jacqueline Martin, "Politique familiale et travail des femmes mariées en France. Perspective historique, 1942-1982", Population, juin 1998, p.1119-1155 et Catherine Omnès, contribution citée, dans André Gueslin et Pierre Guillaume (dir.), ouvrage cité, p.241.
Mathilde Dubesset, Michelle Zancarini-Fournel, Parcours de femmes, p.208.