2/ Leray à la tête du Grand Bazar à partir de 1942

Le nouveau directeur général se retrouve à la tête d'un magasin en grosses difficultés. Tous ses efforts tendent à trouver une solution aux problèmes d'approvisionnement. L'énergie déployée ne fait pas véritablement repartir les affaires du Grand Bazar mais le sauve de la faillite.

Le bureau d'achats parisien, devenu inutile, a été liquidé au milieu de l'année 19411064. Au début de l'année 1942, le Grand Bazar recourt alors aux services d'acheteurs extérieurs à la société, insérés dans des milieux commerciaux hors de la région lyonnaise et susceptibles de trouver des fournisseurs. Un ancien directeur de magasin de Nice accepte d'abord de faire des achats dans sa région pour le compte du Grand Bazar moyennant une commission de 5%. Quelques semaines plus tard, un accord similaire est conclu pour la bonneterie1065. Ces résultats, jugés "très bons", encouragent la direction à accepter les services de deux autres acheteurs pendant l'année 1942. Le premier est chargé de prospecter pour la bonneterie en zone occupée et le second, un ancien chef de rayon, doit faire les achats "de meubles et de toutes les marchandises que le Grand Bazar ne peut trouver"1066. Parallèlement, est explorée la possibilité de constituer une centrale d'achat. En 1942, Decré, propriétaire de magasins à Nantes, prend l'initiative de grouper des magasins indépendants sous forme de coopérative pour effectuer des achats en commun. Il souhaite qu'une seule maison soit acceptée par département et s'adresse au Grand Bazar de Lyon pour le Rhône. Intéressé, Leray assiste aux réunions pour la création du groupement et ne refuse qu'au dernier moment l'adhésion1067. Mais l'idée d'un groupement d'achats fait son chemin et le Grand Bazar entame en 1943 des démarches à ce propos auprès des Magasins Réunis, de Paris-France et du Bazar de l'Hôtel de Ville1068. Elles n'aboutissent pas.

A la Libération, ces échecs successifs incitent la direction à abandonner temporairement la piste de la centrale d'achat pour redonner un rôle prépondérant aux cheffes de rayon. Il leur est imposé d'employer toutes leurs matinées à inspecter les fournisseurs lyonnais et de faire, chaque après-midi, un compte-rendu de leurs recherches1069. Les pénuries sont pourtant loin d'avoir disparu et les résultats sont alors peu concluants. Or la situation est critique : en 1945, les bénéfices du magasin, positifs depuis 1940, ont à nouveau été nuls. A l'été 1945, la direction tourne donc une nouvelle fois ses efforts vers la constitution d'un groupement d'achats. Des contacts sont pris avec les administrateurs de Paris-France et des Nouvelles Galeries ; au début de l'année suivante, d'autres pourparlers s'engagent avec le Printemps1070. Si aucune des propositions d'affiliation ne soulève l'enthousiasme, Leray choisit quand même, à l'été 1946, de tenter l'expérience avec les Nouvelles Galeries1071. Les premiers contingents de marchandises arrivent à l'automne et les conseils de la centrale sont sollicités au printemps 1947, pour la réouverture des rayons textiles et confection, ainsi que les aménagements mobiliers que ce développement rendrait nécessaires1072. En février 1948, la confection réapparaît au Grand Bazar, puis c'est au tour des tissus, un an plus tard1073. Mais l'accord avec les Nouvelles Galeries est insatisfaisant dès le départ et les achats directs du magasin restent toujours majoritaires dans les approvisionnements1074. Les relations sont donc parfois tendues1075 et lorsqu'au début de l'année 1949, la centrale d'achat s'avère incapable de fournir suffisamment de marchandises pour permettre une vente-réclame de blanc, c'est la crise : le conseil d'administration rompt le contrat après quelques semaines de réflexion, en juin 19491076. Sa position reste pourtant identique : "avec la situation actuelle, il est impossible d'effectuer normalement les achats sans l'aide d'une maison spécialisée, qui seule possède les moyens d'opérer une discrimination minutieuse des marchandises et d'effectuer des achats importants à prix modiques"1077. Une nouvelle étude des centrales d'achats parisiennes est donc lancée. Celles du Printemps, de Prisunic, de La Noma et des Galeries Lafayette sont éliminées d'office, car elles ont des succursales à proximité du Grand Bazar. Le Bazar de l'Hôtel de Ville et la Samaritaine n'envisagent pas la création de centrales d'achats. Des deux dernières possibilités, Paris-France ou les Magasins Réunis, c'est la seconde qui est choisie en 19501078. Mais quelques mois plus tard, la Société anonyme parisienne d'achats en commun (SAPAC), centrale des magasins Prisunic, fait savoir au Grand Bazar qu'un de ses clients souhaite ouvrir un magasin à Lyon, rue de la République. La direction juge que la situation économique du magasin ne supporterait pas une telle concurrence et engage, par conséquent, des négociations pour une affiliation à la SAPAC. Elles se déroulent sans trop de difficultés et aboutissent à la signature d'un contrat en avril 1951, après que le Grand Bazar a rompu celui qui le liait aux Magasins Réunis1079. Le magasin dispose ainsi de toute la collection Prisunic mais reste libre de s'approvisionner directement chez des fournisseurs. Des travaux d'aménagement sont effectués pendant l'été de manière à ce qu'au 1er septembre, un nouveau Prisunic ouvre ses portes.

Notes
1064.

ADR, 133J013, PV du CC du 19 août 1941.

1065.

Idem, PV du CC du 30 janvier 1942 et PV du CC du 29 avril 1942.

1066.

Idem, PV du CC du 9 juillet et 17 décembre 1942.

1067.

ADR, 133J008, PV du CA du 20 avril et 3 juillet 1942, 133J013, PV du CC du 17 juin 1942.

1068.

ADR, 133J013, PV du CC du 13 mars 1943.

1069.

ADR, 133J014, PV du CC du 18 janvier 1945.

1070.

Idem, PV du CC du 5 juillet 1945 et du 1er mars 1946.

1071.

ADR, 133J009, PV du CA du 23 mai et 17 juin 1946 ; 133J014, PV du CC du 14 juin et 2 juillet 1946.

1072.

ADR, 133J014, PV du CC des 22 août 1946, 25 septembre 1946 et 9 mai 1947.

1073.

Idem, CC du 9 mai 1947 et 133J009, PV du CA du 9 février 1948 et du 3 février 1949

1074.

ADR, 133J009, PV du CA du 4 novembre 1946, 26 avril 1947 et 28 juin 1948.

1075.

Idem, PV du CA du 8 novembre 1948.

1076.

Idem, PV du CA des 14 février, 21 mars , 16 mai et 22 juin 1949.

1077.

ADR, 133J014, PV du CC du CC du 3 février 1950.

1078.

ADR, 133J009, PV du CA du 20 février 1950 et 20 mai 1950 ; 133J014, PV du CC du CC du 28 février 1950.

1079.

Idem, PV du CA du 11 avril 1951.