a- les rayons

l'évolution sexuée

L'augmentation du nombre de femmes présentes au Grand Bazar par rapport à la période précédente est due, pour l'essentiel, à la place qu'elles prennent dans les rayons.

Tableau n°29 : Répartition par poste des "B" présentes dans les rayons, le 1er mars entre 1938 et 1948.
Année Sexe Encadrement Vente Réserves Ouvrière
Ouvrier
Total
1938 Fe 3 21 5 0 29
Ho 3 2 4 2 11
Total 6 23 9 2 40
1940 Fe 3 17 4 0 24
Ho 2 1 3 1 7
Total 5 18 7 1 31
1942 Fe 3 13 2 0 18
Ho 2 2 4 1 9
Total 5 15 6 1 27
1944 Fe 3 5 1 0 9
Ho 1 2 2 0 5
Total 4 7 3 0 14
1946 Fe 3 3 2 0 8
Ho 1 1 1 0 3
Total 4 4 3 0 11
1948 Fe 2 6 1 0 9
Ho 1 1 0 0 2
Total 3 7 1 0 11

C'est même sur un poste précis que l'augmentation relative du nombre de femmes présentes s'est focalisée : la vente. En mars 1938, 21 des 23 vendeuses et vendeurs "B" sont en effet des femmes. En mars 1936, pour 17 vendeuses (B), 7 vendeurs travaillaient encore dans les rayons. Quatre d'entre eux, parmi lesquels Prudent Diébold1088, partent du magasin avant le mois de septembre 1936, soit avant l'application des conventions collectives au Grand Bazar et un cinquième démissionne un peu plus tard, en février 1937. C'est le cas d'une seule des 17 vendeuses. La structure sexuée des embauches pendant la période confirme l'importance prise par les femmes aux postes de vente – voir tableau ci-dessous.

Tableau n°30 : Répartition par poste des "B" embauchées dans les rayons du Grand Bazar entre le 1er septembre 1936 et le 31 décembre 1948.
Poste Femmes Hommes Total
Vendeuse / vendeur 81 14 95
Réservistes 7 11 18
Marqueuse 2 0 2
Plieuse 5 0 5
Plongeuse 1 0 1
Non mentionné 5 2 7
Total 101 27 128

81 des 95 salariées embauchées entre 1936 et 1948 à la vente sont des femmes. En l'absence de toute restructuration commerciale du Grand Bazar, cet écart dans les recrutements masculins et féminins provoque une modification de la sexuation des rayons. Les femmes ne sont toujours pas vendeuses à tous les rayons, mais leur présence est renforcée dans ceux qui, auparavant, employaient des hommes et des femmes, les jouets, la papeterie et le ménage en particulier. Ces trois comptoirs regroupent, à eux seuls, plus de la moitié des 81 entrées féminines de la période, respectivement 34, 13 et 6. Pendant cette même période, seuls 5 hommes sont embauchés au rayon jouets, un à la papeterie et un au ménage. Les rayons qui étaient à dominante "masculine" avant 1936 ne sont, en revanche, guère touchés par l'arrivée des femmes. Une femme seulement est embauchée au rayon électricité, Louise Dauvergne1089, lorsque c'est le cas de sept hommes. Deux autres femmes, dont Paulette Dubreuil1090, entrent au rayon meubles et une dernière, Marie Daffix1091, à la droguerie. Les dernières vendeuses sont recrutées aux rayons où les femmes étaient majoritaires avant 1936, avant tout la parfumerie (six entrées) et la bijouterie (quatre).

Cette augmentation relative du nombre de femmes aux postes de vente est sans doute l'une des rares conséquences directes des grilles de salaires adoptées par les conventions collectives de 1936. En effet, le barème valable au Grand Bazar supprime la guelte des vendeuses et vendeurs dont le salaire n'est, par conséquent, plus composé que d'un fixe. Or, avant 1936, la guelte était un élément de distinction salariale, qui permettait aux vendeuses et surtout aux vendeurs affectés aux rayons où les gueltes étaient les plus intéressantes, d'atteindre des salaires supérieurs à ceux du reste du personnel. La suppression de la guelte a pu, alors, entraîner un désintérêt des hommes pour ces postes. D'ailleurs, avant 1936 déjà, ce lien entre l'absence de guelte et le travail féminin avait été esquissé. Les vendeuses et vendeurs à temps partiel avaient déjà un salaire fixe. Contrairement aux femmes, aucun homme ne restait alors aux postes de vente à temps partiel au-delà des fêtes de fin d'année. Si cette modification de la rémunération a pu jouer un rôle dans l'évolution sexuée des postes de vente, d'autres éléments, en particulier des changements dans l'organisation du travail, y ont contribué.

Notes
1088.

ADR, 133J205, B8n°179, entrée le 16 juillet 1928.

1089.

ADR, 133J203, B7n°25, entrée le 18 septembre 1937.

1090.

ADR, 133J198, B2n°9, entrée le 27 septembre 1937.

1091.

ADR, 133J202, B8n°16, entrée le 4 septembre 1937.