b- la sous-traitance des travaux ouvriers

La diminution de l'activité du magasin entraîne une externalisation progressive des travaux effectués jusque-là par les ouvriers du Grand Bazar, dans les rayons ou au service entretien. Cette évolution est sans doute favorisée par la place réservée aux ouvriers, au sommet de la grille salariale garantie par la convention collective dont relève le Grand Bazar en 1936. Mais à l'entretien comme dans tous les autres services, les effectifs sont d'abord nettement réduits lorsque l'activité diminue. En avril 1939, les ouvriers viennent de terminer les aménagements nécessaires au retour dans le bâtiment principal des rayons qui étaient installés rue Ferrandière. La direction décide alors de licencier tous ceux qui ne sont pas nécessaires à l'entretien courant du magasin. Seuls quatre hommes sont conservés sous la direction de Giroud1112, qui suffisent aux besoins d'un magasin dont la taille est considérablement réduite pendant les deux années qui suivent. A l'été 1941 en revanche, le service ne peut assumer seul la réfection de la façade. Alors que, quelques années plus tôt, des ouvriers supplémentaires auraient été embauchés le temps des travaux, se pose là, pour la première fois, la question de la sous-traitance. Lorsque le comité consultatif du Grand Bazar compare le devis d'une entreprise privée et les salaires des trois hommes dont Giroud dit avoir besoin pour faire le travail, c'est la première solution qui s'avère la plus rentable1113. De même, quelques semaines plus tard, le recours aux services d'une société extérieure pour aménager les réserves du magasin est jugé à nouveau meilleur marché mais aussi plus efficace, les travaux seront effectués beaucoup plus rapidement1114.

Les économies salariales réalisées grâce à la sous-traitance des travaux d'entretien incite alors la direction du magasin à se pencher sur le cas des ouvriers qui travaillent dans les rayons. Les réductions de personnel des rayons ne les ont pas épargnés. Paul Duccaroz, par exemple, embauché comme aide-ouvrier titulaire en 1931 au rayon hydrothérapie, est licencié en mai 1939, pour compression de personnel1115. Mais d'autres sont toujours présents au Grand Bazar. En 1941, le comité consultatif est d'avis qu'un artisan pourrait faire les installations électriques, sanitaires et de chauffage des appareils vendus par le Grand Bazar et envisage même de mettre à son compte un salarié du magasin1116. Les derniers ouvriers disparaissent alors progressivement des rayons du magasin. André Defert, plombier depuis 1930 et seul ouvrier "B" présent au début de la guerre, est prisonnier en Allemagne lorsque la décision est prise1117. Libéré en février 1943, "au titre de la relève", il est licencié à la fin de l'année, à la suite "d'incidents graves survenus avec un chef de service du Grand Bazar, au cours duquel [il] a proféré des menaces à son égard"1118. On ne saura rien de ce qui s'est réellement passé, le Commissariat général au Service du travail obligatoire ne fait aucune difficulté au débauchage de ce plombier qualifié et l'affecte immédiatement dans une autre entreprise1119. C'est la dernière mention de travail d'un ouvrier "B" dans les rayons. A la suppression des postes d'ouvriers correspond d'ailleurs celle de leurs supérieurs hiérarchiques, les "contremaîtres". Seuls les quelques ouvriers affectés au service entretien sont donc encore présents au Grand Bazar à la fin de la guerre.

Notes
1112.

ADR, 133J008, PV du CA du 7 avril 1939.

1113.

ADR, 133J013, PV du CC du 9 septembre 1941.

1114.

Idem, PV du CC du 20 novembre 1941.

1115.

ADR, 133J202, B6n°53, entré le 1er juillet 1931.

1116.

ADR, 133J013, PV du CC du 25 juillet 1941.

1117.

ADR, 133J197, B1hn°22, entré le 28 avril 1930.

1118.

Idem, lettre que lui envoie le Grand Bazar le 9 décembre 1943.

1119.

Idem, avis de mutation pour le 21 décembre 1943.