1/ les conventions collectives

a- l'accord Matignon et la loi du 24 juin 1936

Au début du mois de mai 1936, entre les deux tours des élections législatives, éclatent les premières grèves. Le mouvement se propage progressivement à toutes les branches économiques et à l'ensemble du territoire national. Début juin, l'activité économique du pays est paralysée, nombre de ses entreprises occupées. Le Grand Bazar, qui préfère fermer ses portes pendant quelques jours, évite ainsi l'occupation de ses locaux1146. C'est dans ce contexte que Léon Blum accède à la tête de l'exécutif après la victoire du Front populaire aux élections législatives. La première tâche de son gouvernement, constitué le 5 juin 1936, est de trouver une issue au conflit social. Le 6 juin 1936, le nouveau président du Conseil annonce le dépôt à la Chambre des députés de plusieurs projets de loi, parmi lesquels ceux qui doivent limiter la semaine de travail des salariées à 40 heures, instaurer 15 jours de congés payés et obliger la signature des conventions collectives. Le lendemain, il réunit les représentants de la Confédération générale du travail (CGT) et ceux de la Confédération générale de la production française (CGPF). Un accord, "l'accord Matignon", est trouvé dans la nuit1147. Pour obtenir la reprise du travail, la délégation patronale accepte d'ouvrir des négociations pour établir des contrats collectifs de travail (article 1er), s'engage à respecter la liberté syndicale (article 3), admet l'élection de délégués "ouvriers" dans les entreprises de plus de 10 salariées (article 5) et concède une augmentation immédiate générale des salaires de 7 à 15% (article 4).

Conformément à ce que prévoit l'accord, des négociations sont immédiatement engagées dans chaque branche pour l'établissement de conventions collectives. Toutes aboutissent très rapidement, sous la pression des salariées qui n'ont pas cessé la grève le 7 juin. La première est, en effet, signée le 12 juin. C'est celle de la métallurgie parisienne, qui, envoyée par le ministère du Travail à l'ensemble des préfets, doit faire office de modèle pour toutes les régions et tous les secteurs d'activité1148. Les autres suivent rapidement. Le Grand Bazar de Lyon est affilié à la Chambre syndicale des magasins de nouveautés, du vêtement et accessoires du vêtement, qui établit le 17 juin 1936 une convention collective avec le Syndicat des employés de commerce de Lyon (CGT)1149.

Le projet de loi sur les conventions collectives, déposé le 9 juin à l'Assemblée nationale, y est voté le 11, avant d'être ratifié par le Sénat le 17. Les accords sont donc trouvés, dans leur grande majorité, avant même la promulgation de la loi, qui n'intervient que le 24 juin1150. Ils en respectent cependant les obligations, dont les grandes lignes avaient été définies par l'accord Matignon. Les trois points fondamentaux sur lesquels les contrats collectifs ont à statuer sont la liberté syndicale et d'opinion des salariées, l'institution des déléguées du personnel et l'établissement de salaires minima par catégorie professionnelle. La loi rend deux autres dispositions obligatoires, concernant le délai-congé et l'organisation de l'apprentissage. Sur ce dernier point, le texte applicable au Grand Bazar de Lyon est cependant muet. Il comprend en revanche deux chapitres qui n'étaient pas prévus par la loi, la durée du travail et la titularisation. Doivent enfin être précisées la durée pour laquelle l'accord est conclu, la procédure suivant laquelle sont réglés les différends relatifs à son application et enfin les modalités de sa propre révision.

La signature des conventions collectives pose pourtant un problème préalable majeur, celui de la définition des "branches d'activité", qui en constituent le cadre.

Notes
1146.

ADR, 133J008, PV du CA du 16 juin et 16 juillet 1936.

1147.

ADR, 10MPC121, Accord général du 7 juin 1936 entre la Confédération générale du travail et la Confédération générale de la production française.

1148.

ADR, 10MPC121, lettre du 15 juin 1936 du ministre aux préfets.

1149.

ADR, 10MPC122, contrat collectif de travail du 17 juin 1936 conclu entre la Chambre syndicale des maisons de nouveautés, du vêtement et accessoires du vêtement et le Syndicat des employés de commerce CGT.

1150.

Loi du 24 juin 1936 modifiant et complétant le chapitre IV "bis" du titre II du livre Ier du code du travail : "De la convention collective de travail", Journal Officiel du 26 juin 1936.