c- la pertinence du cadre : le lien entre activité individuelle et activité collective

La fixation de salaires minima par poste de travail est une prérogative, l'une des plus importantes, des conventions collectives. Que les grilles salariales soient établies par branche signifie qu'à un même poste de travail (celui d'une employée de bureau, d'une femme de ménage ou d'une manutentionnaire par exemple) ne sera probablement pas attribué le même salaire dans les différents secteurs. La prééminence ainsi accordée à la branche traduit une représentation du monde travail encore profondément imprégnée par les corporations de métiers d'Ancien Régime, qui unissaient activité individuelle et activité collective. Alain Desrosières et Laurent Thévenot ont montré la longévité de cette structure corporative dans la vision du monde social jusqu'à la Seconde Guerre mondiale1171. La nomenclature "des industries et professions" officialisée par le décret d'avril 1936 classe d'ailleurs dans une même grille les salariées et les entreprises1172. Dans le groupe des "commerces mal désignés" par exemple, on trouve, aux côtés des "magasins de plusieurs espèces de marchandises", des "boutiquiers, commerçants, marchands, négociants", des "commis, commises de magasin" ou encore des "dames ou demoiselles de comptoir de magasin ".

Ces représentations du monde du travail, en décalage avec les transformations économiques qui ont lieu depuis le début du 19e siècle, ne manquent pas de poser problème en 1936 lorsque sont négociées les conventions collectives. Aucune étude sur les organisations syndicales de salariées n'évoque les débats que les classifications d'emploi ont pu et même dû soulever. On peut simplement constater que le niveau de rémunération de plusieurs postes de travail qui existent dans les grands commerces, au Grand Bazar en particulier, n'est pas fixé par la convention collective signée en 1936 entre le Syndicat des employés de commerce et la Chambre syndicale des maisons de nouveautés. Deux types de salariées sont concernées, quoique différemment, les ouvrières et ouvriers et certaines employées de bureau.

Notes
1171.

Alain Desrosières et Laurent Thévenot, Les Catégories socioprofessionnelles, ouvrage cité, p.12.

1172.

Décret du 9 avril 1936, cité.