c- les augmentations de salaires entre 1936 et 1938

l'augmentation de juin 1936

Les salaires fixés par la convention collective des magasins de nouveautés sont bien supérieurs à ceux qui étaient pratiqués auparavant au Grand Bazar. La réduction de la semaine de travail à 40 heures sans diminution de salaire provoque une hausse de fait de l'heure de travail. Mais même si l'on ne considère que les salaires hebdomadaires, de manière à neutraliser cette variable et ne prendre en compte que les augmentations dues aux négociations salariales, la rémunération du personnel du Grand Bazar s'est accrue de bien plus que les "7 à 15%" que prévoyait l'article 4 de l'accord Matignon. Les inspecteurs, qui sont les hommes les moins bien payés, gagnent 800F par mois après la signature des conventions collectives, soit 185F par semaine. C'est 53F de plus par semaine que les 132F qu'ils recevaient jusque-là, soit une augmentation de 40%. Pour les manutentionnaires, caissiers ou veilleurs de nuit, désormais à 900F par mois, les salaires à l'embauche sont alors supérieurs de 57% à ce qu'ils étaient auparavant. L'augmentation est supérieure à 15% même si l'on compare les nouveaux salaires à ceux que touchaient les rares personnes qui étaient embauchées comme titulaires. Claude Drappier a été recruté en 1932 comme employé de bureau titulaire à 600F par mois1191. En 1936, il aurait eu directement 850F par mois, soit 40% de plus. Les salaires féminins, qui étaient à 100F par semaine avant 1936, bénéficient de hausses encore plus importantes que les salaires masculins. Pour les femmes de ménage, qui sont au bas de la grille des conventions collectives à 650F par mois, soit 150F par semaine, la hausse s'élève à 50% ; pour les caissières, qui sont à 750F par mois, soit 173F par semaine, l'augmentation est même de 73%. Ces augmentations sont moins importantes pour le personnel présent depuis longtemps au Grand Bazar, dont les salaires sont plus élevés qu'à l'embauche, mais on n'a plus aucun renseignement sur l'évolution des salaires versés au personnel après 1930.

Les augmentations de salaires étaient estimées à 40 ou 50%, en cumulant les hausses dues au relèvement général des salaires et à la diminution du temps de travail (semaine de 40 heures et congés payés)1192. Celles qui ont affecté les salaires d'embauche du Grand Bazar sont largement supérieures. Leurs répercussions exactes sur les bénéfices du magasin sont difficiles à évaluer. Le conseil d'administration n'est guère précis, se plaint d'une "exploitation rendue de plus en plus difficile"1193. Mais ces importantes augmentations de salaires n'ont pu que renforcer la décision de la direction de réduire la surface et les effectifs du magasin.

Notes
1191.

ADR, 133J205, B8n°118, entré le 25 avril 1932.

1192.

Alfred Sauvy, Histoire économique de la France, tome 2, p.211-212.

1193.

ADR, 133J008, PV du CA du 16 juillet 1936.