a- la titularisation automatique

Le contrat collectif de travail conclu le 17 juin 1936 entre la Chambre syndicale des maisons de nouveautés et le Syndicat des employés de commerce fixe une nouvelle règle en matière de titularisation. "Les employés des deux sexes et les ouvriers sont embauchés en qualité de stagiaires. Au bout d'un an, les stagiaires seront titularisés dans leurs emplois"1207. La titularisation n'est donc plus une promotion mais redevient, comme avant 1914, une mutation automatique dont bénéficient l'ensemble des salariées avec l'ancienneté.

Cette disposition oblige le Grand Bazar à régulariser la situation de nombreux et nombreuses salariées non titulaires présentes depuis plus d'un an. Une première vague de titularisations a lieu le 1er septembre 1936, qui concerne 16 "B". Joseph Devanne, embauché comme vendeur six ans auparavant, est celui qui a alors le plus d'ancienneté1208, mais Emilie Delale qui travaille au bar du Grand Bazar depuis 19341209 ou Pierre Desvaux, inspecteur depuis à peine plus d'un an1210, bénéficient aussi de la mesure. Aucun signe ne permet de penser que des salariées que la direction ne souhaitait pas titulariser ont été licenciées. En revanche, six temporaires, six hommes ("B"), entrés au Grand Bazar avant septembre 1935, remplissant donc les conditions d'ancienneté requises, ne sont pas titularisés avec les autres. Or, le plus jeune d'entre eux, Antoine Dohet1211, a 63 ans le 1er septembre 1936 alors qu'aucune des 16 titularisées n'a plus de 55 ans. Au 1er mars 1937, lors de la deuxième vague de titularisation, le même phénomène se produit. Sept "B" entrées entre septembre 1935 et mars 1936 sont présentes. Deux seulement ne sont pas titularisées : François Dupond, emballeur, 66 ans, et Joseph Drasin, 56 ans, garçon1212. L'exclusion des salariées de plus de 60 ans du bénéfice de la titularisation est sans doute directement liée à leur statut de retraité. Les lois de 1928 et 1930 "sur les assurances sociales"1213, qui ont réorganisé le système de retraite, garantissent en effet une pension aux salariées qui ont atteint l'âge de 60 ans (article 13 dans les deux lois). Les assurées qui ont cotisé suffisamment longtemps peuvent aussi demander la liquidation de leur pension à 55 ans (article 17 dans les deux lois). C'est peut-être le cas de François Dupond. Si rien n'interdit aux pensionnées de continuer une activité rémunérée, leur statut en fait une catégorie particulière de salariées.

La modification en matière de titularisation apportée par la convention collective ne s'accompagne pas d'une protection accrue de l'emploi de "titulaire". Le texte prévoit, en particulier, que "les délais-congés se régleront en accord avec les prescriptions du Code du travail et les coutumes prud'homales"1214. C'est dire qu'au Grand Bazar, le préavis reste fixé à une semaine. Seul un mois d'essai est instauré à l'embauche, pendant lequel "aucun délai-congé ne sera observé"1215. L'amélioration des conditions de travail des titulaires vient, en revanche, de la réduction du temps de travail.

Notes
1207.

ADR, 10MPC122, contrat collectif de travail du 17 juin 1936 cité, article 5.

1208.

ADR, 133J203, B7n°77, entré le 27 mai 1930.

1209.

ADR, 133J203, B7n°115, entrée le 7 mai 1934.

1210.

ADR, 133J197, B1hn°5, entré le 1er juillet 1935.

1211.

ADR, 133J205, B8n°180, entré le 3 mai 1928.

1212.

ADR, 133J204, B7bisn°10, entré le 14 janvier 1936 ; 133J200, B4n°61, entré le 15 octobre 1935.

1213.

Loi du 5 avril 1928 sur les assurances sociales, Journal Officiel du 12 avril 1928 et loi du 30 avril 1930 modifiant et complétant la loi de 1928 sur les assurances sociales, Journal Officiel du 1er mai 1930.

1214.

Idem, article 7.

1215.

Idem.