b- l'entrée en guerre et les emplois "auxiliaires"

L'entrée en guerre produit, sur les modes d'emploi du Grand Bazar, des effets similaires à ceux de 1914. Cette fois, la modification de la gestion normale des emplois s'appuie cependant sur une législation. Un décret est pris, en effet, avant même le début de la guerre, en avril 1939, "ayant pour objet de garantir aux hommes rappelés sous les drapeaux la reprise de leur contrat de travail"1263. Il précise alors que "tout contrat de travail, qu'elles qu'en soient la nature et la durée, passé en vue du remplacement d'un des bénéficiaires du présent décret expirera de plein droit lors de la reprise de son emploi par ce dernier" (article 5). A la fin de l'année 1939 n'est recruté que du personnel temporaire "pour les fêtes de fin d'année". Mais, à partir de 1940, les nouvelles et nouveaux embauchées sont toutes qualifiées d' "auxiliaires". Contrairement aux vendeuses "pour le roulement" de 1937, ces salariées ne sont pourtant pas à temps partiel. Comme elles en revanche, puisque c'est désormais le sens du mot "auxiliaire", elles et ils ne bénéficient pas de la titularisation automatique après un an de présence. Andrée Denard ou Emile Doizelet par exemple, entrées à la vente en 1940, ne sont ni l'une ni l'autre titulaire à la fin de l'année 19411264. Ce système perdure au-delà de la défaite française de l'été 1940, qui ne s'accompagne pas, il est vrai, d'un retour de tous les hommes, les prisonniers n'étant pas libérés. Le travail à temps partiel, qui a disparu des emplois "permanents" avec la suppression du roulement au début de l'année 1939, disparaît aussi des emplois de fin d'année avec l'entrée en guerre. Des 10 "B" embauchées comme surnuméraires pour les fêtes en 1939, deux seulement ne sont présentes que les après-midi. Ce sont les dernieres qui travaillent à temps partiel jusqu'à la fin des années 1940.

Entre 1936 et 1938, la gestion des emplois dans le commerce est modifiée par l'apparition d'un nouveau cadre légal. Les salariées doivent d'abord être payées conformément à des barèmes de salaires négociés dans les conventions collectives. La protection des emplois est, ensuite, renforcée par la limitation du temps de travail des salariées et la titularisation automatique imposée par les conventions collectives. Si l'application de ces règles est suspendue à partir de 1938, leurs effets sont loin d'être réduits à néant. Les classifications professionnelles mises en place ne sont que la première étape d'une évolution poursuivie sous le régime de Vichy et la pratique de la négociation collective est remise en vigueur en 1950. De même, la limitation du temps de travail et ses conséquences, tant sur la protection des emplois des titulaires que sur l'apprentissage, par les patronnes de commerce, de l'usage de nouvelles formes d'emploi, flexibles et à temps réduit, seront réutilisées après la guerre. La période 1938-1940 n'apporte aucune innovation ni en matière de mode d'emploi ni de redéfinition des hiérarchies salariales. Dans le but de préparer puis de conduire au mieux la guerre, le gouvernement suspend simplement tous les éléments qui ne vont pas dans le sens d'une productivité maximale des entreprises. Les pouvoirs que s'arroge alors l'Etat sur le fonctionnement des entreprises sont alors directement repris par le régime de Vichy.

Notes
1263.

Décret du 21 avril 1939, ayant pour objet de garantir aux hommes rappelés sous les drapeaux la reprise de leur contrat de travail, Journal Officiel du 22 avril 1939.

1264.

ADR, 133J198, B2n°4, entrée le 4 mars 1940 et 133J202, B6n°83, entré le 7 octobre 1940.