a- 1945-1949 : l'Etat garde le contrôle des salaires

une nouvelle loi sur les conventions collectives

L'ensemble des mesures prises dès 1939 et qui ne devaient être valables, selon l'expression utilisée, que "pendant la durée des hostilités", ont été réutilisées et complétées par le régime de Vichy. En 1946, la loi qui fixe au 1er juin 1946 la date légale de fin de la guerre1460, c'est-à-dire celle à laquelle doivent tomber en désuétude les textes qui organisaient le pays en temps de guerre, proroge également un certain nombre d'entre eux pour une durée de six ou neuf mois. Parmi ceux qui sont valables jusqu'au 1er décembre 1946 figurent tous les décrets et lois qui concernent le régime du travail et les salaires, en particulier "le décret du 10 novembre 1939, le décret du 1er juin 1940 et la loi du 30 novembre 1941", qui suspendent les dispositions des conventions collectives relatives aux salaires et confient à l'Etat tout pouvoir en la matière. En octobre, leur validité est encore prolongée d'un mois, jusqu'au 31 décembre 19461461, le temps que soit promulguée une nouvelle loi sur les conventions collectives.

Le gouvernement doit statuer sur le rôle qu'il entend redonner aux négociations entre employeurs ou employeuses et salariées, suspendues par le décret du 10 novembre 1939 "relatif au régime du travail pendant la durée des hostilités" et amputées de leurs prérogatives sur la fixation des salaires. Le texte adopté le 23 décembre 19461462 refond entièrement le chapitre IV bis du titre II du livre Ier du code du travail, consacré aux conventions collectives. D'après Marie-Laure Morin, si la négociation collective est rétablie, c'est "au profit d'un système réglementaire de négociation étroitement encadré"1463. D'abord, les nouvelles conventions collectives ne peuvent entrer en vigueur qu'après avoir reçu l'agrément du ministre du Travail1464. Ce contrôle, qui n'existait pas en 1936, avait été instauré par le décret du 10 novembre 1939. Les salaires, ensuite, ne sont pas rendus à la négociation collective. Les conventions collectives doivent se contenter de mentionner les montants applicables "‘par catégories professionnelles et par régions dans les conditions fixées par les lois et règlements en vigueur’"1465. La loi donne enfin la priorité à la signature de conventions collectives nationales, mesure qui a sans doute pour but de ne pas remettre en cause le travail d'unification des branches effectué par Parodi et Croizat. Ainsi, c'est seulement une fois ces conventions collectives nationales fixées que des accords régionaux ou locaux pourront être signés, "‘en vue d'adapter la convention collective nationale ou certaines de ses dispositions aux conditions particulières de travail dans la région ou la localité’"1466.

Cette loi du 23 décembre 1946 est un échec, puisque quasiment aucune convention collective n'est signée. L'emprise de l'Etat, en particulier sur les salaires, en est sans doute l'une des raisons majeures.

Notes
1460.

ADR, 232W58, Salaires et classifications professionnelles, Fascicule I, "textes généraux", loi du 10 mai 1946 portant fixation de la date légale de cessation des hostilités.

1461.

Loi du 26 octobre 1946 relative aux salaires et conditions de travail, Journal Officiel du 27 octobre 1946.

1462.

Loi du 23 décembre 1946 relative aux conventions collectives, article 1er qui modifie ici l'article 31 M du titre II du livre Ier du code du travail, Journal Officiel du 25 décembre 1946, rectificatifs Journal Officiel du 29 décembre 1946 et du 5 janvier 1947.

1463.

Marie-Laure Morin, "Démocratie sociale ou démocratie politique ? La loi du 11 février 1950 sur les conventions collectives", dans Jean-Pierre le Crom (dir.), ouvrage cité, p.180.

1464.

Loi du 23 décembre 1946, citée, nouvel article 31 D du titre II du livre Ier du code du travail.

1465.

Loi du 23 décembre 1946, citée, nouvel article 31 O du titre II du livre Ier du code du travail.

1466.

Loi du 23 décembre 1946 citée, nouvel article 31 M du code du travail.