b- 1950 : la liberté de négociation salariale et le SMIG

La loi du 11 février 1950 sur les conventions collectives rétablit la liberté de négociation salariale entre les employeurs et employeuses et les salariées1474. La hiérarchie salariale doit fonctionner selon le système mis en place par les classifications Parodi. D'après la loi, les conventions collectives doivent obligatoirement fixer les deux éléments qui déterminent le salaire applicable à chaque catégorie professionnelle, "le salaire minimum national professionnel de l'ouvrier ou de l'employé sans qualification" d'abord, soit le montant du coefficient 100 des classifications Parodi, puis "les coefficients hiérarchiques afférents aux diverses qualifications professionnelles ; ces derniers, appliqués sur le salaire minimum national professionnel de l'ouvrier sans qualification, serviront à déterminer les salaires minima nationaux pour les diverses qualifications professionnelles"1475. Cette libéralisation des salaires s'accompagne cependant de la mise en place d'un "minimum national interprofessionnel garanti"1476, au-dessous duquel aucune salariée ne peut être rémunérée. Un décret du 23 août 1950 fixe ce salaire national minimum interprofessionnel garanti (SMIG)1477. Contrairement à ce que souhaitaient les syndicats de salariées, le SMIG est considéré non comme le salaire horaire ou mensuel de base (c'est-à-dire le coefficient 100), mais comme une garantie de ressources, intégrant les différents éléments s'ajoutant au salaire de base, les primes et autres indemnités1478. Une longue introduction au décret le précise et explique ainsi que "la fixation du salaire minimum national interprofessionnel garanti, considéré comme minimum social dû à tout salarié qui apporte son travail à une entreprise, ne peut avoir comme conséquence l'augmentation automatique de tous les salaires dans toutes les catégories professionnelles, dans toutes les branches industrielles". Le texte du décret fixe ensuite le SMIG à 78F de l'heure pour la région parisienne (article 2), soit 74F pour Lyon, puis rappelle que le salaire horaire à prendre en considération pour juger s'il est inférieur au SMIG, "correspond à une heure de travail effectif, compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire" (article 3).

En attendant la conclusion de convention collective, la loi du 11 février 1950 prévoit la possibilité, pour les organisations syndicales d'employeurs et employeuses et d'employées, de passer des accords salariaux1479. Dans le prolongement de la définition des branches commerciales donnée par les arrêtés Parodi, un barème de salaires est signé pour les salariées de l'ensemble des commerces non alimentaires de la région lyonnaise, entre l'Alliance des chambres syndicales patronales et les syndicats d'employées de commerce CGT, FO et CFTC1480. Les négociations pour la convention collective ne débouchent sur un accord qu'en mai 1952.

Entre 1945 et 1947, l'Etat réorganise entièrement la structure du salariat français. Les nomenclatures adoptées dans chaque branche d'activité et la mise en place d'un système de détermination des salaires identique pour l'ensemble du salariat français, ainsi hiérarchisé au sein d'une même grille, constituent une étape fondamentale dans l'histoire de l'organisation des professions en France. La langue française en a d'ailleurs gardé la trace, qui désigne couramment ces textes promulgués entre 1945 et 1947 par "classification Parodi", du nom du ministre du Travail qui, en 1944 et 1945, a commencé un travail en fait poursuivi par ses successeurs. Mais si l'expression "classification Parodi" oublie Croizat et Mayer, elle oublie surtout que les principes de la nouvelle organisation professionnelle (la hiérarchisation des postes en fonction de la qualification, la définition d'un salaire minimum et des éléments composant la rémunération des salariées) sont ceux édictés par le régime de Vichy, en particulier dans la Charte du Travail.

Notes
1474.

Loi du 11 février 1950 relative aux conventions collectives et aux procédures de règlement des conflits collectifs de travail, Journal Officiel du 12 février 1950.

1475.

Loi du 11 février 1950, nouvel article 31 g du titre II du livre Ier du code du travail.

1476.

Loi du 11 février 1950, nouvel article 31 x du titre II du livre Ier du code du travail.

1477.

Décret du 23 août 1950, portant fixation du salaire national minimum interprofessionnel garanti, Journal Officiel du 24 août 1950.

1478.

Marie-Laure Morin, contribution citée, p.183.

1479.

Loi du 11 février 1950, citée, article 21.

1480.

ADR, 232W57, accord du 1er décembre 1950 applicable à la région lyonnaise, branche d'activité : commerce de détail non alimentaire.