b- les passages à temps complet des salariées à temps partiel

La signature d'un nouveau contrat à chaque changement de temps de travail est une pratique trop peu systématique pour qu'on puisse savoir exactement combien de salariées à temps complet compte le Grand Bazar pendant les fêtes ou pendant l'été. Les dossiers de plusieurs "B" portent cependant la trace de ces passages à temps complet. Suzanne Durandeau par exemple, qui a travaillé à temps partiel comme vendeuse à la droguerie pendant l'été 1961, est reprise à temps partiel au mois de novembre1635. Deux semaines plus tard, elle passe à temps complet pour un mois, jusqu'au 26 décembre, date à laquelle elle est à nouveau à temps partiel. C'est aussi le cas de Béatrice Durin1636 ou Jacqueline Desnoyers1637. La première est vendeuse à l'alimentation. Embauchée pour le roulement en mai 1956, elle travaille une première fois à temps complet pendant un mois, en septembre, puis une seconde fois pour les fêtes de fin d'année, avant de passer systématiquement à nouveau à temps partiel. Pour Jacqueline Desnoyers, cette alternance des temps de travail dans l'année se reproduit quatre années de suite. D'après Janine Gay, toutes les périodes ne se prêtent pas également à cette gestion interne des emplois1638. Pour les fêtes de fin d'année, nombreuses sont les auxiliaires qui acceptent, volontiers même, de passer à temps complet. Pendant l'été, les candidates sont apparemment moins nombreuses. Certaines préfèrent partir en vacances en famille, d'autres doivent s'occuper de leurs enfants qui ne sont plus à l'école. C'est peut-être ce qui explique aussi, outre la nécessité de remplacer les titulaires de tous les services, que les mois d'été devancent les fêtes de fin d'année dans le volume d'embauches d'auxiliaires à temps complet.

Le dernier motif d'emploi d'auxiliaires à temps complet, le remplacement des titulaires absent-e-s, fait même l'objet d'une gestion essentiellement interne au magasin. Deux femmes seulement sont embauchées pour ce motif entre 1951 et 1974, Arlette Deleau comme vendeuse1639 et Nicole Diouf comme employée de bureau à la réception1640. La première est, en fait, réintégrée au Grand Bazar en décembre 1954, alors qu'elle avait dû démissionner deux semaines plus tôt pour soigner sa mère malade. Recrutée à temps partiel au début de l'année 1954, elle était passée à temps complet en octobre pour remplacer une titulaire absente et c'est à ce même poste qu'elle est reprise en décembre. Dans les rayons, lorsqu'une titulaire est absente, la première vendeuse fait ainsi appel aux auxiliaires à temps partiel du rayon pour la remplacer. Comme Arlette Deleau, Renée Davesne, embauchée comme vendeuse à temps partiel au rayon maroquinerie en juin 1957, travaille trois semaines à temps complet au mois de novembre de la même année avant de retrouver un contrat à la journée1641. Les bureaux ou la réception ne disposent pas, en revanche, d'un tel vivier de main-d'oeuvre disponible et il est alors nécessaire de recruter des remplaçantes comme Nicole Diouf.

Les emplois des auxiliaires à temps partiel s'avèrent donc particulièrement malléables. Ils servent à assurer le roulement, mais peuvent aussi être transformés en emplois à temps complet à tout moment. Cette flexibilité est d'ailleurs explicitement prévue par la direction. Denise Davin est l'une des premières vendeuses embauchées à temps partiel dans le nouveau magasin qui ouvre ses portes en septembre 1951. En réponse à sa lettre de candidature, la direction du Grand Bazar lui précise qu'il lui faudra "assurer la vente le lundi et le samedi. A ce temps de travail s'ajouteront éventuellement les remplacements de congé maladie ou autres absences du personnel titulaire"1642. Les passages entre les différents emplois d'auxiliaires ne sont, en outre, pas à sens unique. Certaines auxiliaires embauchées à temps complet, pour une durée déterminée, sont, en effet, conservées au Grand Bazar à l'issue de leur contrat. Le phénomène n'est pas nouveau, il a même toujours existé au Grand Bazar. Mais désormais, les modes d'emplois sont tels que ces salariées passent automatiquement à temps partiel. Jeanne Desbordes, par exemple, dont le contrat à temps complet, conclu initialement pour les fêtes de fin d'année en 1970 a été prolongé pour les réclames de blanc, reste au Grand Bazar après les soldes. Mais le 1er février 1971, elle est alors à temps partiel1643.

Peu de salariées parviennent alors à sortir de ce monde de l'auxiliariat et à obtenir un emploi de titulaire.

Notes
1635.

GBL, C15n°47, entrée le 13 novembre 1961.

1636.

GBL, C13n°20, entrée le 19 mai 1956.

1637.

GBL, C15n°67, entrée le 8 septembre 1956.

1638.

Entretien avec Janine Gay, cité.

1639.

GBL, C1n°51, entrée le 1er décembre 1954.

1640.

GBL, C5n°32, entrée le 17 juin 1974.

1641.

GBL, C17n°56, entrée le 8 juin 1957.

1642.

GBL, C13n°31, réponse du Grand Bazar à sa lettre de candidature, le 17 juillet 1951.

1643.

GBL, C2n°15, entrée le 12 novembre 1970.