1/ les minima catégoriels

Dans l'accord conclu entre l'Alliance des chambres syndicales patronales et les syndicats d'employées de commerce CGT, CGT-FO et CFTC en décembre 1950, les "salaires mensuels minima garantis" pour chaque coefficient salarial sont en fait composés de deux éléments, un "salaire de base hiérarchisé" ou "salaire hiérarchique" auquel est ajouté une "indemnité mensuelle supplémentaire" (ce sont les expressions utilisées)1676. Le premier correspond à la valeur du coefficient salarial et varie donc proportionnellement au coefficient. En décembre 1950, au coefficient 100, le "salaire hiérarchique" s'élève à 8 600F par mois, celui du coefficient 150 à 12 900F et celui du coefficient 200 à 17 200F. L'indemnité mensuelle supplémentaire, en revanche, née des augmentations de salaires censées être "temporaires" de l'année 1947, n'est ni fixe ni proportionnelle au minimum hiérarchique, mais décroît avec l'augmentation des coefficients, réduisant ainsi les différences de salaires créées par les coefficients. Son montant mensuel est de 4 200F pour le coefficient 100 mais de 2 400F seulement pour le coefficient 150 et de 2 300F pour le coefficient 200. Somme de ces deux éléments, les salaires minima garantis ne sont donc plus proportionnels au coefficient salarial.

Aucun accord salarial portant sur les années 1951 à 1955 n'a été retrouvé dans les archives. Mais après 1955, les barèmes de salaires ne recensent plus que les minima garantis1677. On ne connaît donc plus ni la valeur des coefficients ni le mondant de l'indemnité supplémentaire. Dès lors, pour qu'il n'y ait pas de confusion avec le salaire "hiérarchique" (qui correspond à la seule valeur du coefficient salarial), les différents minima garantis qui composent le barème sont définis non comme des "coefficients", mais comme des catégories. La catégorie "C1" correspond alors au montant du coefficient 100 augmenté de l'indemnité mensuelle qui lui est affectée, "C2" au coefficient 120 augmenté de l'indemnité mensuelle1678, "C3" au coefficient 130 augmenté de l'indemnité mensuelle et ainsi de suite jusqu'à la catégorie 10 qui correspond au coefficient 200. A partir de 1955, ces catégories remplacent alors les coefficients sur les contrats de travail du Grand Bazar.

L'accord salarial de janvier 1955 fixe, pour chaque catégorie à l'exception de la première, deux minima, à l'embauche et après six mois de présence. Les barèmes suivants ne modifient plus alors que ces montants après six mois de travail. A l'exception des auxiliaires à temps partiel, les salariées du Grand Bazar vont, en fait, bénéficier dès l'embauche des salaires garantis après six mois de présence. En 1956 par exemple, les manutentionnaires sont directement embauchés à 22 900F par mois (minimum garanti pour la catégorie 4 après six mois de travail)1679, alors que Marcelle Davout, qui entre comme vendeuse à temps partiel en catégorie 4, est payée 123,20F de l'heure1680, ce qui correspond à une base de 21 354,67F par mois1681. A partir de mars 1958, les nouvelles auxiliaires à temps partiel sont toujours payées au minimum d'embauche de leur catégorie, mais passent, après un mois de travail seulement, au minimum garanti après six mois. Madeleine Delmas est ainsi payée 146F de l'heure – soit 25 307F par mois – à son entrée, en novembre 1958, puis 164,40F de l'heure un mois plus tard1682. Ce salaire correspond alors à une base de 28 500F par mois, soit le minimum de la catégorie 4 après six mois de travail1683. En novembre 1960, le délai avant changement de salaire est ramené de un mois à 10 jours puis est éliminé en 1963. Les auxiliaires à temps partiel sont alors payées, dès l'embauche, sur les mêmes bases que le reste du personnel. Un nouveau barème de salaires est peut-être à l'origine de ce changement, mais le dernier retrouvé dans les archives date de 1958.

Tableau n°62 : Evolution des minima mensuels garantis à l'embauche aux salariées du Grand Bazar classées en catégories 4, 5 et 7, de 1951 à 1974.
Date Catégorie 4 Catégorie 5 Catégorie 7
12/1950 14 600 15 300 16 950
03/1951 16 100 16 900 18 700
09/1951 18 600 19 500 21 600
01/1955 20 800 21 800 24 000
11/1955 22 900 23 900 25 900
03/1957 25 500 26 500 28 500
01/1958 28 500 29 500 31 500
12/1959 30 000 31 000 33 000
09/1960 315 325 345
04/1961 325 335 355
01/1962 350 360 380
05/1963 385 400 420
04/1964 415 435 455
08/1965 435 ¤ ¤
03/1966 455 467 ¤
01/1967 478 ¤ 520
03/1968 503 ¤ 546
07/1968 565 ¤ 610
01/1969 590 600 ¤
11/1970 ¤ 645 685
05/1971 690 ¤ 740
03/1972 755 ¤ ¤
11/1973 ¤ 865 ¤
06/1974 990 ¤ 1 015

¤ : les montants ne sont pas connus.

La différence entre les minima mensuels garantis de deux catégories consécutives de salaires correspond environ à une journée de travail. Dix jours après leur embauche, en septembre 1960, Claudette Dimier reste classée en catégorie 4, quand Mathilde Daumont passe en catégorie 5 et Marie Doreau en catégorie 71684. Le montant mensuel de la catégorie 4 s'élève à 315F, celui de la catégorie 5 à 325F et celui de la catégorie 7 à 345F. Pour Mathilde Daumont, le changement de catégorie se traduit par une augmentation mensuelle d'à peine une journée de travail. Tous les mois, Marie Doreau gagne, elle, l'équivalent d'une journée et demie de plus que Mathilde Daumont. L'écart entre les différentes catégories salariales évolue peu pendant la période. Marie-Claude Deloche, Yonne Duquesne et Paule Druet sont embauchées comme vendeuses à temps partiel, fin 1967 et début 19681685. Après 10 jours de présence, la première reste en catégorie 4, dont le montant s'élève à 478F par mois, la seconde passe en catégorie 5 (490F par mois) et la dernière en catégorie 7 (520F par mois). Les 22F mensuels supplémentaires que gagne Yvonne Duquesne par rapport à Marie-Claude Deloche correspondent exactement à une journée de travail et les 30F qui séparent les salaires mensuels de Yvonne Duquesne et Paule Druet à une journée et demie environ.

Sur l'année, le personnel classé en catégorie 7 gagne l'équivalent d'un mois de salaire de plus que le personnel classé en catégorie 4. La progression salariale que les classifications professionnelles ont réservée aux postes de vente permet donc aux vendeuses d'obtenir, à l'ancienneté, un salaire de base nettement plus élevé que celui de bien des salarié-e-s, des hommes en particuliers qui, à l'exception des chefs, sont tous en catégorie 4. Mais cette hiérarchie salariale est remise en cause par les "primes" accordées par le Grand Bazar.

Notes
1676.

Institut d'histoire sociale de la CGT, boîte n°54, accord du 1er décembre 1950, cité.

1677.

ADR, 232W57, accord de salaire du 31 janvier 1955, conclu entre l'Alliance des chambres syndicales patronales de la région lyonnaise et les syndicats d'employé-e-s de commerce CGT, CGT-FO et CFTC. Institut d'histoire sociale de la CGT, boîte n°58, avenant du 28 novembre 1955 ; accord de salaire du 28 mars 1957 ; accord de salaire du 13 janvier 1958.

1678.

Depuis la réorganisation des échelons en décembre 1950, la classification des emplois de commerce ne comptait plus aucun poste au coefficient 110.

1679.

Institut d'histoire sociale de la CGT, boîte n°58, avenant du 28 novembre 1955.

1680.

GBL, C6n°58, entrée le 26 novembre 1956.

1681.

La limitation de la semaine à 40 heures donne une moyenne de 173,33 heures par mois, chiffre qui sert, dans les conventions collectives et barèmes de salaires, au calcul du salaire horaire.

1682.

GBL, C16n°50, entrée le 22 novembre 1958.

1683.

Institut d'histoire sociale de la CGT, boîte n°58, accord de salaire du 13 janvier 1958.

1684.

GBL, C5n°16, entrée le 15 septembre 1960 ; C5n°63, entrée le 3 septembre 1960 et C9n°51, entrée le 24 septembre 1960.

1685.

GBL, C5n°5, entrée le 15 décembre 1967 ; C1n°20, entrée le 8 janvier 1968 et C15n°14, entrée le 23 octobre 1967.