les vendeuses

Jusqu'en 1960, les vendeuses auxiliaires sont payées, à l'embauche, au minimum garanti de leur catégorie (4) sans supplément. Eliane Delpino, par exemple, embauchée à temps complet à la fin de l'année 1952, puis restée comme vendeuse à temps partiel, gagne 858F par jour, ce qui correspond à une base mensuelle de 18 590F1700. Le minimum de la catégorie est effectivement de 18 600F par mois à cette date1701. Mais à partir de septembre 1960, des suppléments s'y ajoutent. Les vendeuses auxiliaires n'y ont pas droit dès l'embauche, contrairement aux hommes manutentionnaires, mais après un mois de présence, c'est-à-dire au moment où elles obtiennent une augmentation de salaire (elles touchent les minima garantis normalement après six mois de travail) et leur reclassement à un échelon salarial éventuellement supérieur à la catégorie 4. Claudette Dimier, Mathilde Daumont et Marie Doreau, par exemple, sont toutes les trois embauchées comme vendeuses auxiliaires à temps partiel en septembre 1960, à 12,92F par jour1702, soit 280F par mois. Après un mois de présence, la première, qui reste en catégorie 4, est payée 15F par jour, soit 325F par mois. Le minimum de la catégorie 4 est alors à 315F auxquels 10F de suppléments sont ajoutés. La seconde passe en catégorie 5 après un mois de présence, elle est alors payée 15,47F par jour, ou 335F par mois, ou encore 325F de la catégorie 5 et 10F de suppléments. Marie Doreau enfin, qui est classée en catégorie 7 après le mois d'essai, est à 16,42F par jour, ou 355F par mois (345F pour la catégorie 7 et 10F de suppléments). Quelle que soit la catégorie salariale, les suppléments de ces vendeuses sont donc identiques. Ils sont, en revanche, inférieurs de moitié à ceux des manutentionnaires embauchés au même moment, qui ont droit à 20F.

A partir de 1963, les vendeuses auxiliaires touchent des suppléments dès leur embauche, dont le montant est compris entre le quart et le tiers de celui perçu par les hommes. Après dix jours de travail, il est alors relevé pour correspondre à la moitié de celui des hommes. Marie-Claude Deloche, Yonne Duquesne et Paule Druet sont toutes les trois embauchées comme vendeuses à temps partiel, fin 1967 et début 1968, à 23,75F par jour1703, ou 514F par mois. Le salaire de la catégorie 4 étant à 478F, leurs suppléments s'élèvent donc à 36F par mois. Au même moment, les manutentionnaires sont embauchés avec des suppléments de 120F. Après 10 jours de présence, la première est augmentée à 24,90F par jour, soit 539,50F par mois. Son supplément est donc désormais de 61,50F. Les deux autres femmes changent de coefficient salarial. Yvonne Duquesne passe en catégorie 5, à 25,35F par jour, soit 550F par mois, composés des 490F de la catégorie 5 et de 60F de suppléments. Paule Druet est en catégorie 7, à 26,80F par mois, c'est-à-dire 580F par mois, ou 520F de la catégorie 7 et 60F de suppléments. La rémunération des femmes embauchées comme "réservistes" est identique. Marie-Josephe Davant, qui travaille comme surnuméraire pour les fêtes en 1967 gagne 23,75F par jour, comme les trois vendeuses précédentes1704. Le montant des suppléments ne dépend donc pas de la catégorie salariale. Il change en revanche, pour les vendeuses, avec le statut.

Les vendeuses titulaires touchent souvent des suppléments légèrement supérieurs à ceux des auxiliaires. Mais la différence de montant n'est pas constante pendant toute la période. Lorsque Marie Doreau est titularisée, par exemple, en janvier 1961, soit peu de temps après son embauche, son supplément mensuel passe alors de 10 à 15F1705. Celui des hommes est toujours de 20F par mois. Paulette Desbrières est titularisée en 1965 à 415F (catégorie 4) et 64F de suppléments1706 et Monique Davoine est embauchée la même année comme titulaire avec 59F de suppléments1707. Au même moment, Jean-François Droux, manutentionnaire, a droit à 105F et les vendeuses auxiliaires à 50F. Parmi les titulaires, la différence de nom de poste "vendeuse" et "vendeuse réserviste" ne se traduit pas par une différence de salaire. Huguette Debarnot et Chantal Doisy sont ainsi titularisées le même jour, le 1er juin 19671708, la première comme "vendeuse" et la seconde comme "vendeuse réserviste". Elles ont toutes les deux le même salaire, 478F par mois de minimum catégoriel (C4) et 72F de suppléments, soit 550F au total. C'est à nouveau un peu plus que les 60F touchés par Marie-Claude Deloche, Yonne Duquesne ou Paule Druet.

Le salaire des premières vendeuses ne se distingue pas non plus particulièrement par le montant des suppléments. Au début de la période, lorsqu'elles sont classées en catégorie 8, les premières vendeuses ont droit à des suppléments équivalents à ceux des hommes manutentionnaires. Ainsi, Marie-Louise Dion, entrée comme vendeuse en mars 1959 et promue première vendeuse en novembre 1960, a-t-elle droit à 22F de primes en plus des 370F de la catégorie 81709. Claudette Dimier, Mathilde Daumont et Marie Doreau embauchées comme vendeuses auxiliaires peu de temps avant ont 10F de suppléments. De même, Huguette Drain, embauchée comme première vendeuse en avril 19631710 et classée dans la catégorie 8, touche 47F de suppléments, augmentés trois mois plus tard à 74F, soit à la hauteur de ceux de Gabriel Depond ou Jean-Pierre Daboussy, entrés comme manutentionnaire peu de temps avant elle. En revanche, Marguerite Dadoun, recrutée comme première vendeuse en juin 1967 et payée en catégorie 7, a un supplément encore moins important que celui des vendeuses auxiliaires. Dadoun gagne ainsi 570F au total dont 50F de suppléments1711, lorsque Huguette Debarnot, vendeuse titulaire a droit à 72F et Paule Druet, vendeuse auxiliaire, à 60F. Il est pourtant impossible que des premières vendeuses aient un salaire inférieur à celui de certaines vendeuses, en particulier des vendeuses titulaires classées dans la même catégorie 7. Il est par conséquent probable que Marguerite Dadoun bénéficie soit d'un reclassement, soit d'une augmentation de suppléments quelques temps après son embauche, modifications qui ne sont pas indiquées sur le contrat de travail.

Le versement de ces suppléments par le Grand Bazar, qui varient selon les postes, réduit considérablement l'importance des différences liées à la catégorie salariale. Or, la quasi totalité des hommes, qui travaillent aux postes de manutentionnaires, sont classés à l'échelon le plus bas de la hiérarchie du magasin, comme la grande majorité des salariées à leur embauche, les vendeuses en particulier, groupe professionnel numériquement le plus important. Mais contrairement à ces dernières, les manutentionnaires ne bénéficient pas d'une progression salariale avec l'expérience. Ils sont, par conséquent, avec les "employées de bureau", les seuls salariés à rester au coefficient 4. Après quelques années de travail, les hommes seraient alors les salariés les moins bien payés du Grand Bazar si les suppléments ne venaient bouleverser cette hiérarchie mise en place par les classifications professionnelles. Le montant des suppléments dont bénéficient les hommes est, en effet, bien supérieur à la différence de salaire qui sépare les catégories salariales. Au milieu des années 1960 par exemple, lorsque les suppléments des hommes titulaires sont de 105F puis 120F par mois, l'écart entre deux catégories successives de salaire n'est que de 10 à 20F par mois. Pendant l'été 1967, la catégorie 4 correspond à un salaire mensuel de 478F et la catégorie 7 de 520F. Les manutentionnaires qui, comme Jean-Loup Dommergue ont droit à 90F puis 120F de prime en plus des 478F de la catégorie 41712, sont alors payés sur une base mensuelle supérieure à celle de Paule Druet, vendeuse de catégorie 7, qui n'a droit qu'à 60F de suppléments1713. Après 10 jours de travail, le salaire mensuel de cette dernière s'élève à 580F par mois, contre 598F pour le premier. L'importance de l'appartenance catégorielle et donc de l'avancement des vendeuses n'est alors pas seulement diminuée, elle est réduite à néant par le versement des suppléments.

Le mode d'emploi n'intervient pas dans la classification des salariées et n'a que peu d'influence sur le montant des suppléments versés par le Grand Bazar. Tous les manutentionnaires, quel que soit leur statut, ont droit aux mêmes sommes. Seules vendeuses titulaires voient ces suppléments légèrement relevés au moment de la titularisation. La "prime alimentation", en revanche, n'est touchée que par les titulaires.

Notes
1700.

GBL, C6n°61, entrée le 15 novembre 1952.

1701.

Institut d'histoire sociale de la CGT, boîte 58. Avenant du 3 octobre 1951 à l'accord du 31 mars 1951.

1702.

GBL, C5n°16, entrée le 15 septembre 1960 ; C5n°63, entrée le 3 septembre 1960 et C9n°51, entrée le 24 septembre 1960.

1703.

GBL, C5n°5, entrée le 15 décembre 1967 ; C1n°20, entrée le 8 janvier 1968 et C15n°14, entrée le 23 octobre 1967.

1704.

GBL, C6n°43, entrée le 6 novembre 1967.

1705.

GBL, C9n°51, entrée le 24 septembre 1960.

1706.

GBL, C9n°56, entrée le 12 mai 1964.

1707.

GBL, C14n°7, entrée le 2 août 1965.

1708.

GBL, C4n°21, entrée le 29 octobre 1966 et C14n°15, entrée le 21 septembre 1966.

1709.

GBL, C1n°16, entrée le 21 mars 1959.

1710.

GBL, C14n°70, entrée le 23 avril 1963.

1711.

GBL, C13n°3, entrée le 1er juin 1967.

1712.

GBL, C1n°44, entré le 5 mai 1967.

1713.

GBL, C15n°14, entrée le 23 octobre 1967.