C/ la prime d'ancienneté

Seuls les barèmes de salaires, retrouvés pour les années 1950 à 1958, portent la trace de la prime d'ancienneté. On ne sait donc pas exactement comment elle est calculée, ni comment elle est versée et qui la touche. Il est probable que, comme auparavant au Grand Bazar, seules les titulaires y aient droit. D'après les accords salariaux, elle n'est versée qu'à partir de trois ans d'ancienneté, comme c'était d'ailleurs le cas au Grand Bazar depuis le début du siècle. Son montant, en revanche, n'est pas directement proportionnel au nombre d'années de travail, mais est fixé par tranche de trois ans. Dans les barèmes de salaires, les montants de la prime sont ainsi fixés pour trois, six, neuf, douze et quinze ans d'ancienneté1716 et diffèrent selon les catégories salariales. En novembre 1955 par exemple, la prime après trois ans d'ancienneté s'élève à 500F, probablement mensuels, pour la catégorie 1, à 700F pour la catégorie 4 et 800F pour la catégorie 7. Le même accord garantit un salaire mensuel de 22 900F aux salariées de la catégorie 4, et de 25 900F à celles et ceux de la catégorie 7. La prime d'ancienneté représente donc à peine une journée de travail supplémentaire par mois après trois ans de présence. Le montant de la prime de chaque catégorie est multiplié par deux après six ans de présence, puis par trois après neuf ans et quatre après douze ans.

Les nouvelles règles définies par l'Etat entre 1936 et 1950 en matière de rémunération ont contribué à une certaine homogénéisation des salaires versés à l'ensemble du personnel occupant un même poste de travail. Elle n'ont pas entraîné, en revanche, une véritable restructuration de la hiérarchie des postes. Par le biais de "primes" ajoutées aux minima salariaux garantis par les accords salariaux, la direction du Grand Bazar a modifié le classement des postes mis en place dans les grilles salariales, en particulier pour que les hommes ne soient pas les salariés les moins bien payés du magasin. Par là, elle a aussi réduit l'amplitude des salaires versés. Cette pratique ne contribue guère à l'affirmation de groupes professionnels distincts. Or, l'échelle du salariat français issue des décisions ministérielles de 1945-1947 réserve à la majorité des emplois de commerce les niveaux les plus bas, soit ceux qu'ils occupaient avant 1936. La rémunération des salariées du Grand Bazar semble alors signifier que la position socioprofessionnelle des "employées de commerce" n'a guère été modifiée par rapport à la période antérieure à 1936. L'étude des parcours professionnels des salariées du Grand Bazar le confirme.

Notes
1716.

Institut d'histoire sociale de la CGT, accord du 31 mars 1951, cité ; du 3 octobre 1951, cité, du 28 novembre 1955, cité, du 28 mars 1957, cité et du 13 janvier 1958, cité. ADR, 232W57, accord du 31 janvier 1955, cité.