B/ la politique de recrutement du Grand Bazar

La réorganisation du salariat français dans les classifications professionnelles arrêtées en 1945-1947 fait de la qualification des salariées le fondement de la hiérarchie professionnelle. La majorité des emplois de commerce est, on l'a vu, considérée comme non qualifiée, en particulier par rapport à des postes ouvriers. Cependant, les classifications des emplois dans les commerces non alimentaires font référence à des niveaux de compétences, pour deux types de postes au moins, les vendeuses et les (sténo)dactylographes. L'attention portée à la qualification depuis la guerre s'est d'ailleurs traduite, au Grand Bazar, par la modification, en 1942, de la fiche de renseignements que doivent remplir les salariées à leur embauche. Ce changement coïncide avec l'arrivée de Jacques Leray à la tête du Grand Bazar. Sur le nouveau formulaire, désormais intitulé "demande d'emploi" – voir la reproduction, p.587 –, l'espace réservé aux emplois antérieurs – qui occupaient auparavant les trois quarts de la feuille – est considérablement réduit au profit de données plus complètes sur l'état civil et sur la formation. Les politiques sociales mises en place par le magasin pendant la guerre expliquent que des rubriques soient désormais consacrées à la date de naissance des enfants ou à la date de mariage des salariées. La nationalité est aussi demandée pour la première fois, ainsi que la situation militaire. Les lignes suivantes recensent les compétences des salariées. Les "connaissances spéciales", acquises par les expériences professionnelles, sont placées au premier rang, devant les "études et diplômes" puis les "langues étrangères". La formation scolaire des salariées est ainsi connue de manière systématique à partir de 1943. La politique de recrutement du Grand Bazar ne s'en trouve pourtant guère changée.