a- les vendeuses

la formation scolaire

Entre 1951 et 1974, 440 femmes sont embauchées comme vendeuses au Grand Bazar. 236 (soit 54%) ont moins de 25 ans. Les autres se répartissent de manière relativement homogène entre les tranches d'âges supérieures, jusqu'à 50 ans au moins. Or le système scolaire connaît de profondes mutations pendant la Seconde Guerre mondiale puis au tournant des années 1950-1960. En 1941, la loi Carcopino transforme d'abord les écoles primaires supérieures en collèges secondaires et les écoles pratiques de commerce et d'industrie (EPCI) en collèges techniques, la réforme Berthoin, en 1959, crée des collèges d'enseignement général et porte l'obligation scolaire à 16 ans, puis la réforme Fouchet de 1963, fonde le collège d'enseignement secondaire1744. Ces mutations n'ont pourtant entraîné aucune modification particulière des formations des vendeuses du Grand Bazar : les femmes les plus jeunes n'ont pas un parcours scolaire plus long que les plus âgées.

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Reproduction n°28 : Demande d’emploi

56 femmes embauchées comme vendeuses entre 1951 et 1974 sont nées avant 19191745. 18 de ces 56 femmes n'indiquent rien dans la rubrique réservée à leur formation ou la rayent d'un coup de crayon, ce qui signifie peut-être qu'elles n'ont pas le diplôme le plus bas du système scolaire, le certificat d'études primaires. Quatre autres, qui disent avoir le "niveau certificat", n'en sont pas non plus titulaires. Ces chiffres correspondraient d'ailleurs aux moyennes nationales puisque, d'après Claude Lelièvre, en 1935, 53% des écolières et écoliers obtiennent le certificat d'étude1746. 25 autres femmes embauchées comme vendeuses ont quitté l'école une fois acquis le certificat d'études. Neuf seulement sont donc restées dans le système scolaire au-delà. Deux ont suivi des cours complémentaires, quatre ont obtenu le "brevet" (quatre années après le certificat d'études) et deux mentionnent "études secondaires". Les deux dernières ont des formations spécifiques, d'assistante hospitalière et d'infirmière. Mais pour la grande majorité des vendeuses de cette génération, la seule formation reçue est l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Les femmes plus jeunes n'ont pas toutes un parcours scolaire beaucoup plus poussé.

129 femmes ("B") embauchées comme vendeuses entre 1951 et 1974 sont nées après 19451747. Il faut faire une place à part aux 58 femmes qui sont encore en cours d'études lorsqu'elles travaillent au Grand Bazar, pendant les congés payés pour la plupart, qu'elles soient lycéennes, étudiantes à l'université ou qu'elles préparent un diplôme technique. Des 71 autres, 13 ne mentionnent ni diplôme ni formation dans la rubrique réservée à cet effet, pour lesquelles il n'est pas possible de savoir s'il s'agit d'un oubli ou si elles n'ont pas le certificat. Des 58 qui donnent un renseignement, 23 (soit 40%) ne sont pas allées au-delà du certificat d'études, dont elles sont titulaires. 10 ont effectué une formation technique, trois ont suivi des cours de secrétariat ou des cours commerciaux pendant deux ou trois ans après le certificat, cinq sont titulaires d'un CAP (l'une ne mentionne pas la spécialité, une de vendeuse, une de couture, une de coiffure et la dernière d'arts ménagers), une a un BEP (diplôme créé en 1966) et la dernière un brevet industriel de chimiste. 18 autres ont poursuivi pendant deux à quatre ans le cursus général dans un collège – 10 sont titulaires du BEPC. Les sept dernières sont allées jusqu'au bac, que 5 ont obtenu. Peut-être certaines d'entre elles sont-elles alors encore étudiantes. Si les modifications du système scolaire font que les vendeuses les plus jeunes sont, globalement, plus scolarisées que leurs aînées, elles demeurent extrêmement peu qualifiées.

Notes
1744.

Claude Lelièvre, Histoire des institutions scolaires, ouvrage cité, p.155-158 et p.178-183.

1745.

Elles représentent 60 entrées de la période, plusieurs d'entre elles travaillant au Grand Bazar à plusieurs reprises

1746.

Idem, p.112.

1747.

Comme certaines entrent à plusieurs reprises, elles représentent, au total, 147 des entrées de vendeuses de la période.