Conclusion de la partie 1951-1974

A partir de 1951, la gestion de la main-d'oeuvre menée par la direction du Grand Bazar est encadrée par de nouvelles règles, mises en place entre 1936 et 1950. Sur le plan des modes d'emploi, d'abord, les salariées doivent bénéficier de deux jours de repos consécutifs, de deux, trois puis quatre semaines de congés annuel ; un préavis d'un mois est à respecter pour la rupture de leur contrat et des indemnités sont même versées pour le licenciement des salariées les plus anciennes. Des barèmes négociés avec les syndicats de salariées garantissent ensuite des salaires minima à chaque poste de travail. Les résultats de ces contraintes imposées aux employeuses et employeurs ne remettent pourtant pas en cause fondamentalement la gestion de la main-d'oeuvre telle qu'elle était pratiquée au Grand Bazar avant 1936, marquée du sceau de la flexibilité. La première raison tient à la place que les classifications professionnelles ont accordé à une majorité des emplois de commerce : le bas de l'échelle salariale. Dans l'ensemble du salariat, les postes de travail du commerce demeurent considérés comme non qualifiés et sont mal payés. Mais un deuxième facteur maintient la main-d'oeuvre flexible, la création de nouveaux modes d'emploi, en marge de la protection instaurée pour ceux des titulaires. Pour appliquer le roulement hebdomadaire du personnel, pour lui accorder les semaines de congés payés auxquels il a droit, mais sans fermer le magasin, la direction embauche des remplaçant-e-s, qui ne travaillent que deux jours par semaine ou un mois en été. Les emplois de ces salariées ne bénéficient alors d'aucune protection : il peut y être mis fin du jour au lendemain, sans préavis ni indemnité. Ces salarié-e-s, dites "auxiliaires", s'ajoutent aux surnuméraires qui sont toujours recrutées en fin d'année ou pendant les périodes de forte activité et constituent une main-d'oeuvre flexible, embauchée et débauchée selon les besoins et prête aussi à faire plus d'heures dans la semaine ou à travailler plus longtemps dans l'année. Le personnel du magasin n'est, par conséquent, ni plus stable, ni plus qualifié qu'avant 1936. Cette grande continuité avec la période antérieure à 1936 n'est rompue que sur un point : le grand commerce est devenu un lieu de travail presqu'exclusivement féminin alors que les femmes ne représentaient, au maximum, que 40% de la main-d'oeuvre jusqu'en 1936. Au Grand Bazar, l'arrivée des femmes s'est produite lorsque l'organisation du travail a été entièrement refondue, en 1951, lorsque le magasin se transforme en Prisunic. Les femmes n'ont donc pas plus qu'au début du siècle "remplacé" les hommes.