D’un point à l’autre : deux grandes bâtisses, toutes deux institutions culturelles qui, partant d’un objet, le fleuve pour l’une, l’univers paysan pour l’autre, travaillent à l’élaboration d’un propos anthropologique dépassant de loin, me semble-t-il, les seules questions se rapportant à leur objet respectif. En effet, bien que très distante tant du point de vue de la géographie que de leur domaine d’investigation - le fleuve ou le paysan -, je me permets de les rapprocher d’une part parce qu’elles sont au coeur de mon parcours, mais aussi parce que toutes deux pensent et proposent un projet culturel à partir d’un discours ethnologique. L’approche anthropologique du fleuve que mène la Maison du Rhône lui permet de se constituer en acteur du développement du fleuve, ce que souligne Jacky Vieux, administrateur de la Maison du Rhône : « ‘il convient de souligner que l’objectif de rassembler et d’élaborer des savoirs sur la relation homme/fleuve n’a pas été considérée comme une fin en soi mais comme un moyen de qualifier une action publique de « redécouverte » du fleuve. De fait, la Maison du Rhône est devenue, au fil des ans, un lieu-ressource, un pôle d’expertise appelé à nourrir la réflexion relative aux projets de développement, dans lesquels le fleuve (ou ses affluents) constitue un élément central ou structurant d’un territoire (...)’ »1. Le Musée du Paysan Roumain, quant à lui, aux vues de sa récente histoire, s’est engagé depuis 1989 dans une opération de redéfinition de l’univers paysan : « ‘un musée qui conteste, un musée barricade, un lieu où se déroule la lutte contre le mauvais goût. Un travail qui soit adressé d’abord aux regards purs, qui guérisse de la réaction d’overdose que certains Roumains ont eue face à la paysannerie utilisée par le pouvoir communiste pour servir d’emballage à sa propre idéologie ’»2. Les propos de Jacky Vieux ou d’Irina Nicolau démontrent que ces deux institutions, en se saisissant d’un objet, représentent un bel exemple de la présence de l’ethnologie dans la constitution de discours ou de projets culturels.
Vieux J., « La Maison du Rhône. Centre pour une anthropologie du fleuve » in Le Rhône. Un fleuve et des hommes. Le monde alpin et rhodanien, 1-3/1999, pp. 227-228.
Nicolau I., « Au genou de la grenouille (bouillon de muséologie subjective) » in Martor, Revue d’anthropologie du Musée du Paysan Roumain, n°1, 1996, pp. 211-223.