L’inachèvement

Au lendemain des événements de décembre 1989 et pendant quelque mois, les média se sont rués sur le cas de la Roumanie donnant à voir, à la grande surprise des Français, un peuple qui exprimait ses souffrances en français.

De ces quelques semaines où la Roumanie fut présente dans les média occidentaux, nous est resté quelques images fortes. Parmi celles-ci, le Palais du Peuple qui dorénavant est connu de tous comme le résultat du « délire » du couple Ceausescu. Fin 1989, bien que les travaux aient considérablement avancé, le Centre Civique était encore un vaste chantier qui laissait voir les stades inégaux d’avancement des constructions. Certaines d’entre elles étaient finies à 80% alors que d’autres n’en étaient qu’au stade de la charpente voire, au pire, des fondations. Pendant très longtemps, compte tenu de la situation économique et politique du pays, des nouveaux enjeux à affronter, les constructions du Centre Civique furent gelées mise à part pour les plus avancées. L’état d’inachèvement dans lequel se trouve cette zone donne un aspect plus que singulier à la capitale, comme le fait remarquer Alexandru Beldiman, Président de l’Union des Architectes de Roumanie : « ‘Bucarest, capitale de la Roumanie est incontestablement aujourd’hui, une ville unique en son genre en Europe, par le fait qu’elle « bénéficie » dans sa partie centrale d’une grande superficie de terrains vagues et d’une superficie encore plus grande de zones désaffectées, conséquence de l’intervention démesurée de la dictature. La seule ville à laquelle elle peut se comparer de ce point de vue est Berlin qui à cause du Mur est aussi traversée par une énorme cicatrice pas encore cicatrisée »’ 27.

Et pourtant, cet espace dévasté où gisait des matériaux de construction et des grues à perte de vue avait fait l’objet d’une inauguration grandiose.

Le commencement des travaux a été inauguré le mardi 25 juin 1984 par le couple Ceausescu lorsqu’ils ont déposé dans les fondations de la Maison du Peuple un cylindre contenant cette déclaration :

‘« Aujourd’hui 25 juin 1984, dans la quarantième année de la libération sociale et nationale, du développement libre et indépendant de la Roumanie, nous avons fait l’inauguration des travaux de construction de la Casa Republicii et du boulevard Victoria
Socialismului, grandioses et lumineuses fondations de cette époque de grandes transformations révolutionnaires, constructions monumentales qui vont durer à travers des siècles comme un impressionnant témoignage de la volonté des habitants de Bucarest, de tout le peuple roumain, de conquérir dignité et grandeur à la capitale de notre pays, notre patrie socialiste »28. ’

Le texte écrit en lettres d’or sur un parchemin signé par le couple Ceausescu portait le sceau présidentiel ainsi que les emblèmes de la République Socialiste Roumaine encadré par des drapeaux du pays et du parti.

Notes
27.

Beldiman A. Concours international d’urbanisme, Bucuresti 2000. Edition Simetria, Union des architectes de Roumanie, Bucarest, 1995-1996.

28.

Texte publié dans le journal roumain Scintea du mardi 26 juin 1984.