Le site de Vacaresti (annexe photographique n°14)

En guise de d’introduction voici un fragment de l’entretien que j’ai eu avec l’ingénieur chargé de la systématisation de la Dîmbovita.

L’immense étendue vide à l’extrémité sud de la ville tient son nom de l’ensemble monastique de Vacaresti, considéré comme l’une des plus belle construction du sud-est européen. Entièrement détruit à partir de 1984, le terrain « nettoyé », pourtant en dehors du périmètre du Centre Civique aurait du être réaffecté au projet. Les fondations laissées à l’abandon et les grues sont les seuls signes d’un début de chantier. Plusieurs infrastructures devaient émerger de cette immensité.

Dans le cadre de la systématisation de la Dîmbovita, le dispositif prévoyait en plus du traitement du cours de la rivière, la construction en amont et en aval de la ville, la construction de deux lacs. En amont, le lac Morii (annexe photographique n°15) qui n’existait pas auparavant fut construit en lieu et place du Village de Ciurel et d’un cimetière. Entièrement artificiel, il fut conçu dans les buts de créer une barrière contre les inondations qui menaçaient la ville, et de constituer une réserve d’eau. Ce lac d’accumulation des eaux a une capacité utile de 14 millions de m3 et une capacité totale de 20 millions de m3. Il s’étend sur une surface de 240 hectares et est profond de 11 mètres. Quant à lui, le lac de Vacaresti devait être un lac d’agrément. Le lac est construit en partie, mais il lui manque l’essentiel... l’eau. Il devait occuper une surface de 160 hectares et contenir 10 000 m3 d’eau. Mais la réalité est toute autre, en lieu et place d’une surface « argent » devant refléter les immeubles alentours, la nature s’est étendue dans le lit du lac donnant à voir un paysage de campagne où l’on voit paître un troupeau de mouton aux abords d’une petite maison aux allures de cabane. Quelques kilomètres plus en aval, nous poursuivons notre chemin sur une route qui n’est plus vraiment carrossable, en direction du port de Bucarest. La sensation d’unité du centre est loin derrière nous. On retrouve les terrains vagues, le désordre d’un travail commencé mais pas achevé et qui, à la différence du trou de Vacaresti, n’a pas été réinvesti. La rivière elle aussi a changé d’aspect. Elle est plus sale, ses rives sont érodées, des ordures traînent en suspension. Au bout de ce qui semble être un terrain vague, il y a un plan d’eau aménagé en vue d’être un port. L’objectif d’un tel aménagement était l’ouverture de Bucarest sur la Mer Noire et les portes de l’orient grâce à l’aménagement d’un canal de la Dîmbovita au Danube. En face, l’ultime construction, dans ce plan de traitement de l’eau, est la station d’épuration qui faute d’achèvement ne peut fonctionner.

Les fondations marquent la volonté d’inclure dans le projet la construction d’un centre sportif aux abords du lac d’agrément. A l’instar de toutes fondations éloignées du giron du Palais du Peuple (Musée National, Bibliothèque ou Opéra), l’avancement des travaux ne suivant pas le même rythme que les objectifs majeurs, les fondations risquent de meubler pendant encore longtemps la vue des immeubles alentours.

Enfin, un dernier élément, et non pas des moindre, devait voir le jour sur ce site. Gheorghe Leahu relate dans un ouvrage43 qu’il consacra à la destruction du Monastère de Vacaresti, comment le site fut choisi par Nicolae Ceausescu pour y construire le nouveau Palais de Justice. « ‘Le 2 décembre 1984, à la suite d’une visite inopinée dans les enceintes de Vacaresti, Ceausescu décide sur le champ de faire construire ici (...) un nouveau tribunal (...) Le maître absolu de la Roumanie était d’avis que le tribunal où l’on jugeait les malfaiteurs, les infracteurs, les criminels et les « ennemis du nouveau régime », ne devait pas exister à côté du « grandiose centre socialiste ». Dans sa vision personnelle, le tribunal devait être installé le plus loin possible du centre. Encouragé par le silence servile de ceux qui l’entouraient, il décida que le nouveau tribunal soit placé loin du centre politico-administratif, à l’extrémité sud de la capitale, juste sur l’emplacement du monastère de Vacaresti’ »44.

Aujourd’hui, loin du centre ville et des préoccupations actuelles le terrain vague, vit à son rythme du pâturage et des maisons que les tsiganes se construisent. Il en sera ainsi pendant longtemps.

Notes
43.

Leahau G, Distrugerea Manastirii Vacaresti. Arta Grafica S.A.

44.

Ibid, p.1.