A priori, le « Centre Civique » en tant qu’objet ne concerne pas l’ethnologie. Dès lors qu’on l’évoque, des champs de compétences telles que l’architecture ou les sciences politiques apparaissent comme plus à même de l’aborder. Il semble évident qu’il relève de ceux-ci et, plus particulièrement, d’une réflexion qui instaure une relation entre l’architecture et le pouvoir. A son évocation, en Roumanie comme ailleurs, apparaît en filigrane et de manière presque automatique, la figure du couple Ceausescu. A tel point qu’il représente un exemple caricatural de la phrase énoncée par Denis Cerclet : « ‘les produits de l’art et de l’architecture recèlent en eux les sensations, les impressions, les gestes de ceux qui les ont conçus’ »60. Or, ce premier paradigme s’avère devoir être affiné pour le Centre Civique. En effet, il s’agit bien d’une architecture du pouvoir mais dont l’une des caractéristiques principales est sa monumentalité. S’il est un aspect où toutes les parties (opposants ou défenseurs) s’accordent, c’est bien sur sa dimension monumentale.
D’ailleurs, la volonté monumentale est à l’origine du projet d’édification comme nous le rappelle une phrase inscrite sur le parchemin déposé dans les fondations :
‘« Nous avons fait l’inauguration des travaux de construction de la Casa Republicii et du boulevard Victoria Socialismului, grandioses et lumineuses fondations de cette époque de grandes transformations révolutionnaires, constructions monumentales qui vont durer à travers les siècles comme un impressionnant témoignage de la volonté des habitants de Bucarest, de tout le peuple roumain, de conquérir dignité et majesté à la capitale de notre pays, notre patrie socialiste »61. ’Déjà, le ton et le vocabulaire utilisés dans cette citation, nous amènent à convoquer un troisième paradigme qui est celui de la liaison entre architecture et régime totalitaire ou celui de l’architecture totalitaire. Le Centre Civique relève a priori de ces trois paradigmes qui nous poussent à le voir comme un lieu de pouvoir émanant d’un régime totalitaire ; la manifestation architecturale et urbanistique d’une idéologie particulière.
Il s’agit pour nous maintenant de replacer le Centre Civique dans une configuration théorique qui convienne mieux à son interprétation, c’est-à-dire, le considérer comme une manifestation architecturale du politique qui se situe en dehors d’un phénomène du pure mégalomanie.
Cerclet D., « Architecture et construction du rapport à la nature : l’exemple du Baroque » in Architecture et nature. Contribution à une anthropologie du patrimoine. Centre de Recherches et d’Etudes Anthropologiques. PUL, 1996, p. 150.
Cet extrait de texte inscrit sur le parchemin qui se trouve dans les fondations du centre civique fut repris dans le journal Scintea (traduction : L’étoile) du mardi 26 juin 1984.