2) L’idée et la forme

Il est une question essentielle qui a mobilisé les esprits et les réflexions des théoriciens de l’art lorsqu’il s’est agit de s’interroger sur la question du monument. Elle concerne la manière dont le monument rend compte de la relation entre le signifié et le signifiant, autrement dit la matérialisation dans la forme d’une idée. Qu’est ce qu’un monument ? Pour François Dagognet, cette question liée à l’hylémorphie, peut faire l’objet d’une approche de la pierre d’un point de vue scriptural ‘« l’écriture de la pierre, pour l’essentiel, la symbiose à réaliser du signifiant et du signifié qui pourrait définir le vrai monument’ »62.

En effet, la première attitude consiste à se demander s’il existe un jeu de correspondance entre le pouvoir et la forme architecturale qui l’abrite, ou a contrario, si l’architecture n’est qu’un instrument non formalisé du pouvoir.

Jacques Dewitte considère, à partir d’une réflexion qu’il mène sur le texte de Léon Krier63, « ‘que quelque chose d’essentiel serait perdu si on renonçait à reconnaître qu’il existe une relation non accidentelle entre institution et édifice, entre le contenu et la forme visible »’ 64. Au postulat d’une relation entre une forme architecturale et ce qu’elle abrite, il ajoute que ‘« l’architecture n’est pas auto-suffisante et auto-référentielle ; elle renvoie à autre chose qu’à elle-même. Elle n’est pas un pur signe vide, mais se réfère à des significations vivantes, lesquelles, à leur tour, doivent manifester dans des signes ou des symboles »’ 65. Ceci nous renvoie à une nouvelle question essentielle qui est celle de la fonction évocatrice de l’architecture.

Notes
62.

Dagognet F., « L’idéologie monumentale » in L’abus monumental ?, op.cit, p35. Le terme d’hylémorphie signifie que « l’idée et la matière dans laquelle elle s’inscrit doivent correspondre de quelque manière justement pour que le monument puisse parler et continue à signifier ».

63.

Dans son ouvrage Albert Speer. Architecture 1932-1942 (Editions des Archives d’Architecture moderne. Bruxelles, 1985), Léon Krier défend la thèse selon laquelle il faut dissocier l’architecture de son usage idéologique. Sa position vise à réhabiliter l’oeuvre architecturale d’Albert Speer, l’architecte du Troisième Reich. Selon Jacques Dewitte, les propos de Léon Krier sont contradictoires puisqu’il défend deux idées opposées. La première défend l’idée d’une correspondance entre institutions civiles et architecture monumentale, alors que la seconde postule que « l’architecture n’est pas politique, elle n’est que l’instrument du politique ».

64.

Dewitte J., « Architecture monumentale et régime démocratique » in Les Temps Modernes. N°577, déc.1992

65.

Dewite J., « Architecture monumentale et régime démocratique » in Les temps modernes, n°557, décembre 1992.