Rapport au temps

Le second rôle dont est investie l’architecture est d’instaurer une nouvelle temporalité96. Si l’architecture, de manière générale, a comme principe de fixer durablement dans la pierre une idée, un projet de société, on saisit encore plus fortement le rôle essentiel dont elle est investie par les régimes totalitaires. « ‘Il s’agit bien plutôt par une architecture totalitaire, instituant des espaces totalitaires, de fixer dans la rigidité, dans la massivité de la pierre, la fulguration vertigineuse, hypnotique du leader charismatique pour figurer, sous le signe de l’enthousiasme, l’alliance fusionnelle du Fürher et du peuple racial’ »97. Au-delà de l’idée d’instituer un projet, elle doit aussi montrer sa pérennité, ainsi que celle de la figure de celui qui la porte : « ‘comme si l’architecture, par son choix de grandeur, du monumental, du gigantesque avait pour visée d’immobiliser, de fixer le charisme de Fürher, de retenir cette qualité insaisissable, c’est-à-dire défiant la saisie, dans le temps et toujours in statu nascendi’ »98. Le miracle contenu dans le projet architectural est de dépasser une comptabilité du temps pour atteindre à l’éternité. L’éternité de la figure, du charisme que l’architecture représente.

Le rapport au temps que les régimes totalitaires tentent d’instaurer au travers de leur architecture nous amène à convoquer une nouvelle notion qui nous permettra de poursuivre notre exploration théorique concernant le lien à instaurer entre l’architecture et le pouvoir.

Notes
96.

Lire à ce propos l’article d’Adriana Oprescu « Donner, vivre et voler le temps. Les enjeux politiques de la gestion du temps dans la Roumanie des années 80 » in l’Annuaire de la société d’anthropologie culturelle de Roumanie. Paideia, Bucarest, 1999, pp. 20-50.

97.

Abensour M., in Op.Cit., p. 47.

98.

Abensour M.,. in Op.Cit, p. 47.