L’ouvrage d’Albert Speer, Au coeur du IIIème Reich, représente un témoignage important qui nous rapporte les sentiments d’Hitler par rapport à l’architecture. Sa formation à l’école d’architecture d’intérieur l’a certainement sensibilisé à cette question. Comme tout détenteur du pouvoir qui désire léguer à la postérité son oeuvre, il avait une forte conscience de l’importance du travail sur le monument.
Voici quelques idées d’Hitler tels que les relatent Albert Speer dans son ouvrage :« ‘Hitler aimait à expliquer qu’il construisait pour léguer à la postérité le génie de son époque. Car, en fin de compte, seuls les grands monuments rappelaient les grandes époques de l’histoire. Que restait-il de l’oeuvre des empereurs romains ? Quels étaient les vestiges de leur grandeur, sinon les édifices qu’ils avaient fait construire ? Il y a toujours prétendait-il, des périodes de déclin dans l’histoire d’un peuple ; mais les monuments qu’il a édifiés sont alors les témoins de son ancienne puissance. Naturellement leur seul témoignage ne suffit pas à créer les bases d’un renouvellement du sentiment national. Mais quand, après une longue période de déclin, le sentiment de grandeur nationale doit être à nouveau exalté, alors ces monuments ancestraux sont les plus éloquents des prédicateurs. C’est ainsi que les monuments de l’Empire Romain permettaient à Mussolini de faire appel à l’esprit héroïque de Rome, quand il voulait gagner le peuple italien à l’idée d’un empire romain des temps modernes. De la même manière, nos édifices devaient pouvoir, dans les siècles à venir, parler à la conscience de l’Allemagne. C’est ce qui faisait pour Hitler la valeur d’une réalisation durable’ »99. Pour les détenteurs du pouvoir, le monument est au coeur de souci fondamental qu’est la gestion du temps, de leur durabilité. Garantie minérale de la pérennité d’une figure, il immortalise le charisme du personnage. L’investissement dans le monument apparaît comme essentielle dans le cadre d’un projet politique. Pour ces raisons, il est permis de dire que le recours au monument n’est pas une spécificité des régimes totalitaires mais bien un procédé éprouvé par tous les pouvoirs.
Speer A., Au coeur du troisième Reich. Les grandes études contemporaines. Fayard, 1971.