Monumentalité et régime totalitaire

Dans la perspective qui consiste à considérer l’architecture comme « art-témoin », Augustin Ioan remarque que les régimes totalitaires produisent une architecture à deux vitesses : celle qui s’attache à la production de monuments, puis une architecture à caractère social, plus fonctionnaliste. L’intérêt que porte les dirigeants à l’architecture officielle, comme en témoignent les positions adoptées par Hitler, ont effectivement un lien avec les valeurs contenues dans la notion de monument.

Si, comme le dit Jacques Dewitte, l’architecture monumentale ‘« est un moment nécessaire du processus de l’identification entendue comme constitution de sa propre identité »’ 120, on comprendra qu’elle concerne toute forme d’institution qui désire inscrire son projet dans la durée au moyen notamment de l’édification de monuments étant entendue comme « acte d’objectivation » de cette pérennité. Si le traitement monumental de l’architecture n’est pas le propre des régimes totalitaires, en revanche, la manipulation du monumental, du gigantisme des objets (et en disant cela je ne pense pas uniquement à l’architecture mais aussi à toute la production esthétique, et entre autre à la sculpture et la peinture) revêt un sens différent. La différence concerne la production d’une monumentalité directement mise au service de la constitution d’une nouvelle nature du pouvoir : « ‘le monumental apparaît alors comme cette forme capable de mettre en scène cette unité de la société réconciliée, au-delà de la division interne, ce surgissement d’un nouveau nous qui s’exalte dans une compulsion à la mégalomanie »’ 121.

Il existe un lien fort entre la monumentalité et le totalitarisme qui est différent de celui instauré entre la monumentalité et les régimes démocratiques. Ce lien a à voir avec l’instauration du pouvoir. Comme on a pu le voir précédemment, la violence du pouvoir doit pouvoir se transformer en signes de pouvoir. Or le totalitarisme, basé sur la violence de son pouvoir, doit impérativement trouver les voies de sa légitimation. « ‘On touche précisément ici l’un des points de divergence entre le rôle monumental dans un régime non totalitaire et dans un régime totalitaire (comme le régime nazi), puisque celui-ci s’efforce de créer de toutes pièces, au moyen de la pompe monumentale, la dignité et l’autorité qui lui font défaut’ »122.

Notes
120.

Op.Cit, p. 120.

121.

Id. p. 65.

122.

Dewitte J., op.cit p. 119.