L’ethnographie, une démarche

Sans développer à la manière d’un cours magistral les fondements de l’ethnologie, rappelons que le projet de l’ethnologie qui consiste en l’étude de l’homme tout entier s’accompagne d’une méthode qui ne serait pas « ‘une réflexion abstraite et spéculative sur l’homme en général, mais l’observation directe de comportements sociaux particuliers à partir d’une relation humaine, la familiarité avec des groupes que l’on cherche à connaître en partageant leur existence »’ 131 L’ethnographie est donc ce mode de connaissance particulier à l’ethnologie : « ‘la qualité ethnographique peut s’appliquer à tout type d’enquête qui repose sur une insertion personnelle et de longue durée du sociologue dans le groupe qu’il étudie’ »132. L’activité d’observation est fondatrice de la connaissance. Le regard, « ‘un regard si ce n’est inquiet, du moins questionnant qui part à la recherche de la signification des variations’ »133 comme préalable que l’on retrouve dans porter un regard ethnologique sur ou encore regards croisés à propos de... « jargon du milieu ». Au sens littéral, le terme « ethnographie » signifie écriture de la culture134. Si l’ethnographie est au départ « une activité résolument perceptive », selon les termes de François Laplantine, elle s’accompagne nécessairement d’un travail d’écriture, d’une retranscription du regard en écriture. Au-delà de voir, le travail de l’ethnographe consiste à faire voir grâce au texte car en effet, « ‘sans l’écriture, le visible resterait confus et désordonné. L’ethnographie c’est précisément l’élaboration et la transformation scripturale de cette expérience, c’est l’organisation textuelle du visible dont l’une des fonctions majeures est aussi la lutte contre l’oubli ’»135. La démarche méthodologique qu’est l’ethnographie nécessite indubitablement selon Olivier Schwartz une dose d’empirisme car il faut « ‘accepter l’idée que les résultats produits par ce type d’enquête ne peuvent échapper à une dose plus ou moins importante de contingence, d’approximation et d’incertitude. Une ethnographie qui, par fidélité à un modèle de rigueur trop fort, refuserait cette dimension et prétendrait à la pureté, mutilerait ses possibilités de découverte et s’interdirait de multiples opérations’ »136. De manière générale, la pratique du terrain consiste effectivement à impliquer l’ethnologue dans la vie du groupe qu’il étudie, à partager son quotidien. Or, il arrive que la motivation de la recherche ne soit pas en premier lieu un groupe mais le cadre architectural qu’il a façonné et dans lequel il évolue. L’ethnographie du groupe se transforme en une ethnographie de son architecture. Celle-ci ne signifie pas par ailleurs la disparition du groupe mais suppose que la base de l’observation est son mode de construction. A l’instar de l’ethnographie d’un groupe, l’ethnographie d’une architecture est sensible à ce qui fait son quotidien. Le quotidien de l’architecture devient alors le souci principal de l’ethnographe.

Notes
131.

Laplantine F., La description ethnographique. Coll. 128, Nathan Université, 1996, p. 7.

132.

Ibid.

133.

Ibid. p. 15.

134.

Laplantine F., « Penser ensemble l’architecture et la nature : le patrimoine » in Architecture et nature. Une contribution à une anthropologie du patrimoine. Centres d’Etudes et de Recherches Anthropologiques (CREA). PUL, 1996, p. 10.

135.

Laplantine F., La description ethnographique. Coll. 128, Nathan Université, 1996.

136.

Schwartz O., « L’empirisme irréductible. La fin de l’empirisme ? » Postface à Le hobo, sociologie du sans-abri. Nels Anderson. Essais et recherche. Nathan, 1993, p. 266.